Avertissement
En règle générale, doutant de son
authenticité, les commentateurs de Nerval passent sous silence cet épisode du
Voyage en Orient, mais on peut aussi bien lui accorder crédit puisque rien n'est jamais venu le
contredire! Quoi qu'il en soit, l'épisode est révélateur des préoccupations du poète.
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Pendant son séjour au Liban, Nerval s'éprend d'une jeune fille
druze et se promet de l'épouser. Il dira alors : "Mon
avenir se dessinait sur le fond lumineux de ce tableau : la femme idéale que chacun
poursuit dans ses songes s'était réalisée pour moi: tout le reste était oublié."
Nerval intercède pour le père de la jeune fille emprisonné
suite à des "propos séditieux". Cependant, pour épouser Salèma, il faudrait qu'il fût
druze lui-même - et on ne devient pas druze : "la plume est brisée, l'encre est
séchée, le livre est fermé." Or, Nerval comprend bientôt que les
"akkals" druzes, c'est-à-dire les initiés, les maîtres spirituels de la
religion des Druzes, sont les "francs-maçons de l'Orient" : "Mon ami, écrit-il,
j'ai tout
compris, tout deviné en un instant : mon rêve absurde devient ma vie, l'impossible s'est
réalisé". Il ne reste plus au poète qu'à faire la preuve de son
appartenance à la franc-maçonnerie.
Le cheikh est libéré et Nerval l'accompagne dans son village,
"à une journée de Damas", avec Salèma et l'esclave achetée au
Caire. L'initiation commence : "Et maintenant j'étudie
pour arriver à la dignité de rafîh (compagnon), où j'espère atteindre dans peu. Le
mariage est fixé pour cette époque."
Malheureusement, une mauvaise fièvre l'oblige à quitter le djebel
Druze, et à renoncer à ce double projet. On imagine Nerval finissant ses jours au Liban!
Il reste que la vocation de Nerval était tout autre, - ainsi que sa véritable
appartenance spirituelle.
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