► PARACELSE

Deux légendes

SOMMAIRE

> Théophraste Bombast de Hohenheim, dit Paracelse, par Charles Le Brun

> "Sans ambages, il s'intitule Prince des deux médecines - celle du corps et celle de l'âme...", voir Paracelse, par Charles Le Brun

> Une biographie

> Bibliographie, établie par Charles Le Brun

> Les Pronostics de Paracelse

> Le Lion septentrional (traduction inédite)

> Préface à l'Herbarius, par Charles Le Brun

> Un document inédit : Conseils pour une traduction des oeuvres complètes de Paracelse, par Armel Guerne : I - Historique - II - Moyens de réalisation et méthode 

 

Retour à Paracelse

La rose de Paracelse

            La légende, cette aurore posthume qui ne revient qu'aux êtres d'exception, s'est emparée de Paracelse.

Un homme, un jour, était venu trouver l'illustre guérisseur et, très humblement, lui avait demandé :

            – Est-ce bien vrai tout ce qui se dit sur toi ? tes remèdes merveilleux, tes dons extraordinaires, ton pouvoir surnaturel? Est-il vrai qu'à partir de leurs cendres tu puisses rendre la vie aux choses ? On m'a dit que, brûlant une rose, tu pouvais la ressusciter !

            Enveloppant  l'étranger d'un regard calme, Paracelse lui avait alors répondu :

            – Ami, il ne faut point accréditer de telles histoires. Non, vraiment, je ne suis rien qu'un très-pauvre homme, vivant dans les tribulations et la misère. Ce que je fais, je le fais de mon mieux, avec mon cœur. Voilà tout. Mais toi, ne donne pas créance aux paroles insensées. Va ton chemin, oublie ce qu'on t'a dit et qui ne vaut pas qu'on s'y attarde !

            Or, tandis qu'il s'exprimait ainsi, Paracelse remuait dans sa main un peu de cendre.

            – Mais pourtant, insistait l'homme, ces témoignages qui courent de ville en ville : se peut-il que tant de choses se disent sans raison ? Ton nom est sur toutes les bouches avec celui de la guérison et celui du prodige !

            – Cher visiteur, crois-moi : il n'en est rien. Les gens racontent, mais ne te trouble pas. Je le répète : va ta vie, fais ton devoir, aide et aime tes proches et n'oublie pas Dieu sans qui tu ne serais rien. Mais laisse cette fable que répandent les langues bavardes et crois bien que je ne suis rien d'autre que ton frère parmi les hommes, celui-là même qui est ici devant toi.

            Alors l'inconnu se retira. Et Paracelse, toujours, remuait la cendre dans sa main. Il suivit des yeux l'homme qui s'éloignait et quand sa silhouette se fut évanouie dans la distance, il leva lentement cette main qu'il avait tenue cachée et dans laquelle une rose venait d'éclore.

  

Paracelse et le Diable

            En ce temps-là, le fameux docteur Paracelse habitait la ville d'Innsbruck, en Autriche. Or un matin qu'il se promenait dans les bois, il s'entendit appeler par son nom sans tout d'abord  savoir d'où venait la voix.

            – Théophrastus ! Théophrastus !

            Il chercha tout autour de lui et finit par s'apercevoir que les paroles sortaient d'un sapin, et plus précisément d'un trou que bouchait un morceau de bois sur lequel était gravées trois croix. Il s'en approcha et pria l'invisible interlocuteur de se faire connaître.

            – Je suis le Diable, fit la voix, un saint homme m'a enfermé ici et les croix que tu vois m'interdisent de retrouver la liberté.

            – Que me donneras-tu si je te sors de là, lui dit alors Paracelse.

            – Que souhaites-tu, fit la voix dans l'arbre.

            – Un médicament qui guérit toutes les maladies, une teinture qui transforme les métaux vulgaires en or, enfin...

            – Cesse ! hurla le Diable. Trois est pour moi un chiffre détestable, mais je pourrai réaliser tes deux premiers souhaits.

            Alors Paracelse ôta le bouchon de bois et fit un pas en arrière. Il n'avait pas plutôt accompli ce geste qu'il vit sortir une petite araignée noire qui se laissa glisser sur la mousse et s'évapora au contact du sol. Dans le même moment apparut un homme maigre et noir, avec des yeux luisants comme des braises. Il sortit pour ainsi dire de terre, remerciant avec une grande courtoisie celui qui l'avait délivré. Puis il prit une baguette de coudrier et en frappa une roche voisine. Celle-ci se fendit en deux découvrant une sorte d'antre où il pénétra. Il en ressortit bientôt avec deux flacons qu'il remit au docteur. L'un contenait le remède universel, l'autre la teinture qui change tout en or.

            – Maintenant, dit le Diable tandis que le rocher se refermait, je veux tirer vengeance du misérable qui m'a tenu si longtemps prisonnier dans cet arbre.

            Mais Paracelse qui ne l'entendait pas de cette oreille lui déclara :

            – Celui qui t'a enfermé ici doit être un grand magicien !

            – Peuh ! ricana le Diable, il est si simple pour moi de prendre une petite forme !

            – Je parierais volontiers mes deux flacons, l'interrompit Théophraste, que la chose est impossible et que ce que j'ai vu tout à l'heure n'est rien d'autre qu'une illusion.

            – Eh bien ! regarde, fit le Démon.

            Et l'instant d'après, reprenant sa forme d'insecte, il disparut dans le trou du sapin.

            – A moi les deux bouteilles, lui cria-t-il alors de l'intérieur.

            Mais Paracelse, sans se soucier de ce qu'il disait, se saisit rapidement du bouchon et le remit à sa place. Et voici qu'à nouveau, le Diable était prisonnier. Colère, menaces, supplications : rien n'y fit et il eut beau se démener au point de faire tomber toutes les pommes de pin des branches, son vainqueur ne voulut rien savoir et s'en retourna chez lui muni des précieuses fioles grâce auxquelles il devint bientôt célèbre.

            Près d'Innsbruck, l'Esprit du mal est toujours retenu dans son trou et les gens racontent que dans la forêt se trouve un arbre qui tremble continûment sans que le vent souffle et d'où sortent gémissements et menaces. Sans rien savoir de cette histoire, ils l'ont nommé l'Arbre du Diable.