La rose de Paracelse
La légende, cette aurore posthume qui ne revient qu'aux êtres
d'exception, s'est emparée de Paracelse.
Un homme, un jour,
était venu trouver l'illustre guérisseur et, très humblement, lui avait
demandé :
– Est-ce
bien vrai tout ce qui se dit sur toi ? tes remèdes merveilleux, tes dons
extraordinaires, ton pouvoir surnaturel? Est-il vrai qu'à partir de leurs
cendres tu puisses rendre la vie aux choses ? On m'a dit que, brûlant une
rose, tu pouvais la ressusciter !
Enveloppant l'étranger d'un regard calme, Paracelse lui avait alors
répondu :
– Ami, il
ne faut point accréditer de telles histoires. Non, vraiment, je ne suis
rien qu'un très-pauvre homme, vivant dans les tribulations et la misère.
Ce que je fais, je le fais de mon mieux, avec mon cœur. Voilà tout. Mais
toi, ne donne pas créance aux paroles insensées. Va ton chemin, oublie ce
qu'on t'a dit et qui ne vaut pas qu'on s'y attarde !
Or, tandis
qu'il s'exprimait ainsi, Paracelse remuait dans sa main un peu de cendre.
– Mais
pourtant, insistait l'homme, ces témoignages qui courent de ville en ville
: se peut-il que tant de choses se disent sans raison ? Ton nom est sur
toutes les bouches avec celui de la guérison et celui du prodige !
– Cher
visiteur, crois-moi : il n'en est rien. Les gens racontent, mais ne te
trouble pas. Je le répète : va ta vie, fais ton devoir, aide et aime tes
proches et n'oublie pas Dieu sans qui tu ne serais rien. Mais laisse cette
fable que répandent les langues bavardes et crois bien que je ne suis rien
d'autre que ton frère parmi les hommes, celui-là même qui est ici devant
toi.
Alors
l'inconnu se retira. Et Paracelse, toujours, remuait la cendre dans sa
main. Il suivit des yeux l'homme qui s'éloignait et quand sa silhouette se
fut évanouie dans la distance, il leva lentement cette main qu'il avait
tenue cachée et dans laquelle une rose venait d'éclore.
Paracelse et le Diable
En ce temps-là, le fameux
docteur Paracelse habitait la ville d'Innsbruck, en Autriche. Or un
matin qu'il se promenait dans les bois, il s'entendit appeler par son
nom sans tout d'abord savoir d'où venait la voix.
– Théophrastus !
Théophrastus !
Il chercha tout autour de
lui et finit par s'apercevoir que les paroles sortaient d'un sapin, et
plus précisément d'un trou que bouchait un morceau de bois sur lequel
était gravées trois croix. Il s'en approcha et pria l'invisible
interlocuteur de se faire connaître.
– Je suis le Diable, fit la
voix, un saint homme m'a enfermé ici et les croix que tu vois
m'interdisent de retrouver la liberté.
– Que me donneras-tu si je
te sors de là, lui dit alors Paracelse.
– Que souhaites-tu, fit la
voix dans l'arbre.
– Un médicament qui guérit
toutes les maladies, une teinture qui transforme les métaux vulgaires en
or, enfin...
– Cesse ! hurla le Diable.
Trois est pour moi un chiffre détestable, mais je pourrai réaliser tes
deux premiers souhaits.
Alors Paracelse ôta le
bouchon de bois et fit un pas en arrière. Il n'avait pas plutôt accompli
ce geste qu'il vit sortir une petite araignée noire qui se laissa
glisser sur la mousse et s'évapora au contact du sol. Dans le même
moment apparut un homme maigre et noir, avec des yeux luisants comme des
braises. Il sortit pour ainsi dire de terre, remerciant avec une grande
courtoisie celui qui l'avait délivré. Puis il prit une baguette de
coudrier et en frappa une roche voisine. Celle-ci se fendit en deux
découvrant une sorte d'antre où il pénétra. Il en ressortit bientôt avec
deux flacons qu'il remit au docteur. L'un contenait le remède universel,
l'autre la teinture qui change tout en or.
– Maintenant, dit le Diable
tandis que le rocher se refermait, je veux tirer vengeance du misérable
qui m'a tenu si longtemps prisonnier dans cet arbre.
Mais Paracelse qui ne
l'entendait pas de cette oreille lui déclara :
– Celui qui t'a enfermé ici
doit être un grand magicien !
– Peuh ! ricana le Diable,
il est si simple pour moi de prendre une petite forme !
– Je parierais volontiers
mes deux flacons, l'interrompit Théophraste, que la chose est impossible
et que ce que j'ai vu tout à l'heure n'est rien d'autre qu'une illusion.
– Eh bien ! regarde, fit le
Démon.
Et l'instant d'après,
reprenant sa forme d'insecte, il disparut dans le trou du sapin.
– A moi les deux bouteilles,
lui cria-t-il alors de l'intérieur.
Mais Paracelse, sans se
soucier de ce qu'il disait, se saisit rapidement du bouchon et le remit
à sa place. Et voici qu'à nouveau, le Diable était prisonnier. Colère,
menaces, supplications : rien n'y fit et il eut beau se démener au point
de faire tomber toutes les pommes de pin des branches, son vainqueur ne
voulut rien savoir et s'en retourna chez lui muni des précieuses fioles
grâce auxquelles il devint bientôt célèbre.
Près d'Innsbruck, l'Esprit
du mal est toujours retenu dans son trou et les gens racontent que dans
la forêt se trouve un arbre qui tremble continûment sans que le vent
souffle et d'où sortent gémissements et menaces. Sans rien savoir de
cette histoire, ils l'ont nommé l'Arbre du Diable.
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