(9)
" Te rends-tu compte de ce que les gens de la Grotte et d'ar-Raqîm constituent une
merveille d'entre nos Signes?
(10) Quand les jeunes gens se furent réfugiés vers
la grotte, ils dirent : "O Seigneur apporte-nous de Ta part une miséricorde; et
arrange-nous une bonne conduite de notre affaire."
(11) Alors, Nous avons assourdi leurs oreilles, dans
la grotte pendant de nombreuses années.
(12) Ensuite, nous les avons ressuscités, afin de
savoir laquelle des deux factions saurait le mieux dénombrer le temps qu'ils avaient
séjourné.
(13) Nous allons t'en raconter le récit avec
vérité. Oui, ce sont des jeunes gens qui croyaient en leur Seigneur; et Nous leur avions
accru la guidée;
(14) et Nous avions pansé leurs curs
lorsqu'ils s'étaient levés pour dire : "Notre Seigneur est le Seigneur des cieux et
de la terre; jamais nous n'invoquerons de Dieu en dehors de Lui, - nous dirions ainsi une
injustice.
(15) Voilà bien nos gens! Ils ont adopté en dehors
de Lui des dieux. Que n'apportent-ils sur eux une autorité claire? Quel pire
prévaricateur, donc, que celui qui blasphème un mensonge contre Dieu?
(16) Et quand vous serez détachés d'eux, et aussi
de ce qu'ils adorent en dehors de Dieu, alors réfugiez-vous vers la grotte : votre
Seigneur étendra de Sa miséricorde, pour vous, et arrangera pour vous, de votre affaire,
quelque utilité."
(17) Tu verrais le soleil, quand il se lève,
s'écarter de leur grotte, vers la droite, et quand il se couche passer à leur gauche
tandis qu'eux-mêmes sont là dans un spacieux intervalle!
Voilà des signes de
Dieu. Celui que Dieu guide, c'est lui le bien guidé. Et quiconque Il égare, tu ne lui
trouveras alors aucun patron, aucun dirigeant.
(18) Et tu les croirais éveillés, alors qu'ils
dorment. Et Nous les tournons sur le côté droit et sur le côté gauche, tandis que leur
chien est à l'entrée, pattes étendues. Si tu les apercevais, certes tu leur tournerais
le dos pour fuir; et certes tu serais rempli d'effroi devant eux.
(19) Et ainsi Nous les ressuscitâmes,
afin qu'ils s'interrogent entre eux. Un parleur des leurs parla : "Combien avez-vous
demeuré?" - Ils dirent : "Nous avons demeuré une journée, ou une partie de la
journée." Puis : "Votre Seigneur sait mieux ce que vous avez demeuré. Envoyez
donc l'un de vous à la ville, avec votre argent que voici, qu'il regarde à l'aliment qui
est le plus pur, et qu'il vous apporte de quoi vous nourrir; et qu'il s'efforce de se
comporter avec douceur; et qu'il s'arrange pour que personne n'ait vent de vous.
(20) Si jamais ils vous dominaient, ils vous
lapideraient ou vous feraient retourner à leur religion, tandis que vous n'auriez alors
jamais plus de réussite.
(21) C'est comme cela que Nous fîmes qu'ils furent
découverts, afin qu'on sût que la promesse de Dieu est vérité, oui, et qu'il n'y a
point de doute, vraiment, au sujet de l'Heure . On se disputait, cependant, sur leur
affaire; puis on dit : "Construisez sur eux une construction." - Ceux qui
l'emportèrent, dans leur affaire, dirent : "Bon! Eh bien nous élèverons sur eux
une mosquée."
(22) On dira bientôt : "Ils étaient trois,
leur chien quatrième." Et on dira, tirant sur l'invisible : "Cinq, leur chien
sixième." Et on dira : "Sept, leur chien huitième." - Dis : "Mon
Seigneur sait mieux leur nombre. Il n'en est que peu qui le savent. " Ne creuse donc,
à leur sujet, qu'en apparence, et ne demande, à leur sujet, l'avis de personne parmi ces
gens-là.
(23) Et ne dis jamais, à propos d'une chose :
"Oui, je vais faire cela demain,"
(24) - à moins que "Dieu veuille." Et
rappelle-toi ton Seigneur, quand tu oublies; et dis : Peut-être mon Seigneur va-t-il me
guider vers une chose qui, en fait de direction, sera plus approchante que ceci."
(25) - Or, ils demeurèrent dans leur grotte trois
cents ans, et en ajoutèrent neuf.
(26) Dis : "Dieu sait mieux ce qu'ils
demeurèrent. A Lui appartient l'invisible des cieux et de la terre. C'est par Lui que tu
dois regarder et entendre. Il n'y a pour eux, en dehors de Lui, pas de patron; et Il
n'associera personne à Son commandement". _______________________________
Des informations
contenues dans le récit coranique, on retiendra la durée du sommeil des Jeunes Gens
ainsi que la formule (300 ans + 9 ans) dans laquelle, selon Mohammed Hamidullah, les 9
années supplémentaires correspondent au décalage entre années solaires et années
lunaires, - les différentes hypothèses quant au nombre des Dormants, avec cette remarque
d'importance : "Dis : "Mon Seigneur sait mieux leur nombre. Il n'en est que peu
qui le savent" (XVIII, 23), la mention du chien (Qitmir) qui accompagne les Jeunes
Gens, - enfin, l'énigme que représente le mot al-raqîm, dans l'expression "les
gens de la Grotte et d'al-Raqîm".
Les commentateurs se sont attachés à trouver des
réponses à ces questions. Ainsi Ibn 'Abbas affirme-t-il avoir interrogé le Prophète à
propos du nombre des Gens de la Caverne et avoir appris de lui qu'ils étaient sept. Ibn
Ishâq pour sa part parle de huit jeunes gens et de leur chien. Tabarî a dressé des
listes des Dormants tantôt de huit noms tantôt de neuf : "Le premier (que ses
compagnons envoyèrent en ville pour acheter du pain) est Maksimlînâ, le second,
Mahsamlînâ, le troisième, Yamlikâ, le quatrième Martus (ou Martunus), le cinquième,
Kasutunus (ou Kastunus), le sixième Bîrunus, le septième, Rasmunus, le huitième
Bâtunus, le neuvième, enfin, Qâlus" .
Pour Jacques Berque, l'expression " bien peu
savent..." marque la "réserve du rationnel à l'égard du légendaire, et de la
nouvelle foi à l'égard du christianisme". Il est possible aussi d'y voir une
allusion à la connaissance réservée à un petit nombre, à l'ésotérisme par
opposition à l'exotérisme.
Quant aux "gens de la Grotte et
d'ar-Raqîm", énigmatique, elle a suscité diverses interprétations. Littéralement
le mot al-raqîm désigne un écrit ou une inscription, que Louis Massignon voyait
"au fronton de la Caverne". Jacques Berque traduit d'ailleurs al-raqîm par
"épitaphe" : "Tiendras-tu (l'aventure) des compagnons de la caverne et de
l'épitaphe pour un prodige d'entre Nos signes?". Mais al-raqîm peut également
désigner un lieu, peut-être al-Radjîb, près de Amman, ou, selon al-Ta'âlibî "un
wâdî entre Garafân et Hat, au-delà de la Palestine..." Enfin, Mohammed Hamidullah
signale que l'expression "gens d'ar-Raqîm" pourrait être constituer une
allusion aux Esséniens.
On doit, enfin, à Ibn Khatîr, d'avoir conservé
dans son Tafsîr (VI, 117-119) de nombreux hadith se rapportant à la récitation de la
sourate XVIII, - récitation qui, selon Ibn Hanbal, fait descendre dans les cœurs
la
Sakîna, autrement dit, la Paix de Dieu, d'après le saint Coran : "C'est lui qui
fait descendre la Sakîna dans les curs des croyants afin qu'ils croissent dans la
foi..." (XLVIII, 4). Une autre tradition rapporte à ce sujet qu'un homme qui
récitait la sourate al-Kahf, son cheval entravé près de lui, se vit entouré d'un
nuage, s'approchant peu à peu. Son cheval s'enfuit alors. Le lendemain, ayant raconté
cela au Prophète de l'islam, celui-ci lui dit : "C'était la Sakîna qui apportait
le Coran." |