"Lorsqu'un certain jour de Pâques le
roi Edouard, le service divin fini, prenait son repos à Westminster, son visage,
d'ordinaire sérieux, montra tout à coup le reflet d'une joie intérieure. Il se mit à
sourire, ce qui, chez lui, n'était pas chose habituelle. Après le repos, quelques uns
des assistants lui demandèrent respectueusement la cause de sa bonne humeur. "J'ai
été transporté, dit-il, à Éphèse, où j'ai vu les Sept Dormants au mont
Célion, les visages frais, les corps et les vêtements non corrompus. Couchés sur le
côté droit depuis 200 ans, ils se sont brusquement retournés sur le côté gauche. Ils
resteront dans cette position pendant 70 ans et entre-temps Dieu éprouvera gravement son
peuple." On dépêcha des messagers à Constantinople et l'Empereur fit constater
à Éphèse la réalité des faits. Peu après la prophétie se réalisa : en Orient les
païens attaquèrent les chrétiens et en Occident, il y eut des troubles et beaucoup de
misère"
(Acta Sanctorum, juillet, VI, 379).
INVOCATIONS
Il convient de reconnaître que si l'invocation
des Sept Dormants a tourné parfois à la magie talismanique , le recours confiant à la
protection des Jeunes gens d'Éphèse fut une pratique courante au moyen âge en Europe et
le demeure dans les pays musulmans.
au Yémen
Il est fait mention, au Yémen, d'une invocation
versifiée, qui remonte sans doute au
13ème siècle, qui était proférée en
direction du Sud, "car l'entrée de la caverne étant tournée vers le Nord, les
Sept, en y entrant, se prosternèrent vers le Sud, vers Jérusalem (Médine et la Mekke)". Cette invocation permettait de recourir aux Gens de la Caverne dans les circonstances
suivantes : marcher sur le feu (sans danger), pour l'éteindre (?) ; guérir d'un mal de
tête ; rassurer quelqu'un qui a peur de la mer ou qui a été effrayé par un meurtrier ;
consoler un enfant.
Mais aussi, toujours au Yémen, l'histoire des Sept
Dormants se trouve à l'origine d'un chant populaire composé à l'occasion d'un
événement familial, le zâmil. Le mythe d'origine, rapporté par 'Abd Allâh
al-Baraduni, s'y réfère explicitement : "Des hommes de tribus yéménites
s'étaient réfugiés dans une caverne de la montagne, lors d'une invasion romaine du roi
Dogianus. Ils entendirent soudain un chant qui semblait porté par le vent. Ils étaient
effrayés, car personne n'était en vue. Ils perçurent cependant ces paroles : "Que
Dieu te défigure, ô lâche, / Que revienne le bien-être, après le combat, / Mais, au
cours des combats, nous ne ploierons pas. / Tu sauras plus tard le pourquoi".
Dans tous les pays
germaniques, on invoquait - et on invoque encore - les Sept Dormants,
principalement contre les insomnies, mais aussi pour calmer les enfants
agités, guérir les fièvres et soigner les douleurs.
C'est assurément en Turquie que les
Sept Dormants demeurent les plus présents dans la vie quotidienne. A
Istanbul, par exemple, on fait réciter aux enfants, pour les endormir, les
noms des Sept Dormants (observation Père Philibert, 1967) .
En Afghanistan, on a recours à Qitmir,
le chien des Sept Jeunes Gens, contre les morsures des chiens enragés.
en Turquie
Depuis le 16ème siècle et jusqu'au siècle dernier, la
marine de guerre ottomane était dédiée aux Sept Dormants. Les noms des jeunes gens se
trouvaient placée, "peints et dorés", en figure de poupe, sur les
navires, afin de les protéger des naufrages . A l'origine de cette croyance, qui se
rencontre également dans l'Océan Indien, un verset "imaginaire" qui rappelle
que "les Sept Dormants sont montés sur un Navire". Selon Louis Massignon, ce
verset, "fruit d'une subtile divination populaire", enchaîne le verset
17 de la sourate XVIII, sur le "bercement" des jeunes gens dans leur caverne,
assimilé à un "roulis", au verset 8 de la même sourate à propos de la
"prière d'abandon absolu" qu'ils ont prononcée avant d'y pénétrer : "Cette
"prière", de pur ikhlâs, qui est requise effectivement par le Qur'ân
pour déclencher le "fiat" divin (kun, kûnî), le miracle, le salut des
marins "emmurés" dans la tempête".
TRADITIONS POPULAIRES
On retrouve les Jeunes Gens de la Caverne dans les
proverbes - à Istanbul, par exemple, on dit d'un avare qu'il ne jetterait pas un os au
chien des Sept Dormants, - dans la littérature et jusque dans la poésie : "On
voit des amoureux gisant dans les cours de leurs demeures comme les jeunes compagnons de
la caverne, sans se rendre compte du temps qu'ils ont passé
(là)". |