INVOCATIONS ET TRADITIONS POPULAIRES

SOMMAIRE


Les Ahl al-Kahf selon le saint Coran
Deux sanctuaires au Yémen

La Caverne de l'amour éternel
Sanctuaires & traditions populaires
Bibliographie

 

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[ Ahl al-Kahf ]

naantali

Église de Naantali

La fête de Umineko

C'est en Finlande principalement que la tradition populaire honore les Sept Dormants d'Éphèse à l'occasion de la fête de Umineko, autrement dit "le grand dormeur". Le mot est connu depuis 1652 (recueil de Hemminki), mais il est vraisemblablement plus ancien, parce qu'il s'agit d'une tradition venue de Scandinavie où la fête des Jeunes Gens d'Éphèse était célébrée, soit le 27 juin, comme dans quelques diocèses danois, soit le 27 juillet. Il se trouve que l'expression suédoise "sju sovare" qui désigne les Sept Dormants a été interprétée par le peuple finlandais comme s'appliquant à "quelqu'un qui dort au-delà de sept heures du matin", de telle sorte que, le 27 juillet, jour de la fête liturgique des Dormants d'Éphèse, quiconque dort à sept heures du matin est copieusement arrosé d'eau ou mieux encore jeté dans l'eau d'une rivière ou d'un lac.

Dans la ville de Naantali - en suédois Nadental, du latin Vallis Gratiae - connue au moyen âge pour ses deux monastères fondés par Ste Brigitte, le 27 juillet est même l'occasion d'un carnaval. A sept heures du matin, les habitants vont chercher en cortège le Umineko de l'année, généralement une personne publique - le maire, un pasteur - pour le jeter à la mer. Les réjouissances durent toute la journée sous le signe du "grand dormeur". Cette fête populaire existe depuis 1889, mais ses origines remontent au moins au 16ème siècle.

 

 

"Lorsqu'un certain jour de Pâques le roi Edouard, le service divin fini, prenait son repos à Westminster, son visage, d'ordinaire sérieux, montra tout à coup le reflet d'une joie intérieure. Il se mit à sourire, ce qui, chez lui, n'était pas chose habituelle. Après le repos, quelques uns des assistants lui demandèrent respectueusement la cause de sa bonne humeur. "J'ai été transporté, dit-il, à Éphèse, où j'ai vu les Sept Dormants au mont Célion, les visages frais, les corps et les vêtements non corrompus. Couchés sur le côté droit depuis 200 ans, ils se sont brusquement retournés sur le côté gauche. Ils resteront dans cette position pendant 70 ans et entre-temps Dieu éprouvera gravement son peuple." On dépêcha des messagers à Constantinople et l'Empereur fit constater à Éphèse la réalité des faits. Peu après la prophétie se réalisa : en Orient les païens attaquèrent les chrétiens et en Occident, il y eut des troubles et beaucoup de misère"

(Acta Sanctorum, juillet, VI, 379).

INVOCATIONS

Il convient de reconnaître que si l'invocation des Sept Dormants a tourné parfois à la magie talismanique , le recours confiant à la protection des Jeunes gens d'Éphèse fut une pratique courante au moyen âge en Europe et le demeure dans les pays musulmans.

au Yémen

Il est fait mention, au Yémen, d'une invocation versifiée, qui remonte sans doute au 13ème siècle, qui était proférée en direction du Sud, "car l'entrée de la caverne étant tournée vers le Nord, les Sept, en y entrant, se prosternèrent vers le Sud, vers Jérusalem (Médine et la Mekke)". Cette invocation permettait de recourir aux Gens de la Caverne dans les circonstances suivantes : marcher sur le feu (sans danger), pour l'éteindre (?) ; guérir d'un mal de tête ; rassurer quelqu'un qui a peur de la mer ou qui a été effrayé par un meurtrier ; consoler un enfant.

Mais aussi, toujours au Yémen, l'histoire des Sept Dormants se trouve à l'origine d'un chant populaire composé à l'occasion d'un événement familial, le zâmil. Le mythe d'origine, rapporté par 'Abd Allâh al-Baraduni, s'y réfère explicitement : "Des hommes de tribus yéménites s'étaient réfugiés dans une caverne de la montagne, lors d'une invasion romaine du roi Dogianus. Ils entendirent soudain un chant qui semblait porté par le vent. Ils étaient effrayés, car personne n'était en vue. Ils perçurent cependant ces paroles : "Que Dieu te défigure, ô lâche, / Que revienne le bien-être, après le combat, / Mais, au cours des combats, nous ne ploierons pas. / Tu sauras plus tard le pourquoi".

Dans tous les pays germaniques, on invoquait - et on invoque encore - les Sept Dormants, principalement contre les insomnies, mais aussi pour calmer les enfants agités, guérir les fièvres et soigner les douleurs.

C'est assurément en Turquie que les Sept Dormants demeurent les plus présents dans la vie quotidienne. A Istanbul, par exemple, on fait réciter aux enfants, pour les endormir, les noms des Sept Dormants (observation Père Philibert, 1967) .

En Afghanistan, on a recours à Qitmir, le chien des Sept Jeunes Gens, contre les morsures des chiens enragés.

en Turquie

Depuis le 16ème siècle et jusqu'au siècle dernier, la marine de guerre ottomane était dédiée aux Sept Dormants. Les noms des jeunes gens se trouvaient placée, "peints et dorés", en figure de poupe, sur les navires, afin de les protéger des naufrages . A l'origine de cette croyance, qui se rencontre également dans l'Océan Indien, un verset "imaginaire" qui rappelle que "les Sept Dormants sont montés sur un Navire". Selon Louis Massignon, ce verset, "fruit d'une subtile divination populaire", enchaîne le verset 17 de la sourate XVIII, sur le "bercement" des jeunes gens dans leur caverne, assimilé à un "roulis", au verset 8 de la même sourate à propos de la "prière d'abandon absolu" qu'ils ont prononcée avant d'y pénétrer : "Cette "prière", de pur ikhlâs, qui est requise effectivement par le Qur'ân pour déclencher le "fiat" divin (kun, kûnî), le miracle, le salut des marins "emmurés" dans la tempête".

TRADITIONS POPULAIRES

On retrouve les Jeunes Gens de la Caverne dans les proverbes - à Istanbul, par exemple, on dit d'un avare qu'il ne jetterait pas un os au chien des Sept Dormants, - dans la littérature et jusque dans la poésie : "On voit des amoureux gisant dans les cours de leurs demeures comme les jeunes compagnons de la caverne, sans se rendre compte du temps qu'ils ont passé (là)".