► CORRESPONDANCE *

     * Il s'agit ici d'extraits de la correspondance de Vincent-Mansûr Monteil et de l'auteur de ce site de 1984 à 1990.

Lettre du 20 décembre 1984

   Merci de votre lettre et surtout de votre fidélité au souvenir de Louis Massignon, sur lequel je prépare un livre. Bravo pour votre thèse de doctorat! Si vous "montez" un jour à Paris, ne manquez pas de me faire signe.

    Fraternellement

Lettre du 18 avril 1985

    Grand merci pour votre nouvel envoi - si précieux! Je ne puis que vous féliciter du soin que vous avez mis à établir la chronologie des vœux et des anniversaires. Quant aux lettres à M.K., elles sont très belles et certains passages sont poignants. Évidemment, il y a des choses que vous ne pourrez pas reproduire (...). Mais c'est à vous de juger. Merci encore de me permettre ainsi de retrouver si présent, si brûlant, mon ami disparu.

    Avec mes fraternelles amitiés.

    en post-scriptum

   Bien sûr, il faut donner les conférences (à Angers ou ailleurs) qu'on vous demande. Vous porterez ainsi témoignage pour la Vérité.

Lettre du 29 février 1988

    Bravo pour Cerisy [Il s'agit du Colloque de Cerisy-la-Salle consacré à Louis Massignon en 1990]! Et d'accord pour le thème spirituel. (...).

    Je suis épuisé par mon travail de forçat : la traduction en vers français de 100 poèmes de Hâfez, que je dois remettre cet été à l'UNESCO.

Lettre du 19 décembre 1988

        (...) J'ai vu longuement M. Rocalve [ancien ambassadeur, biographe de L.M.] : il m'a paru honnête et sincère.

    Je comprends et je partage votre nostalgie de l'islâm, mais je suis trop fatigué pour voyager et je dois me contenter des nombreuses visites que me font des musulmans. Je souhaite vivement que vous puissiez revenir en terre d'islâm et apprendre à fond l'arabe.

    Fidèlement votre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lettre du 3 février 1985

    J'ai lu votre beau texte avec beaucoup d'intérêt et d'émotion. Je crois que vous avez réussi à vous "substituer" à Louis Massignon, en quelque sorte. (...) Sur la "conversion" [de Louis Massignon], je voudrais vous préciser certaines choses. Ce sera pour votre prochaine visite à paris - et je m'arrangerai cette fois, pour ne pas être interrompus. Je vous signale, en attendant, que le sceau de cristal gravé 'Abu-hu m'a été légué par Louis Massignon avant sa mort et que je le garde précieusement.

    Merci pour tout ce que vous m'avez apporté.

Lettre du 13 mars 1985

   Comment vous remercier pour ces admirables lettres de Louis Massignon! Elles révèlent le "point vierge" d'un cœur pur. Oui, vous avez cent fois raison de consacrer un chapitre à Mary Kahil. Rien, aucune jalousie posthume ne peut faire que cette "femme passionnante et passionnée" (L.M. dixit) n'ait ébloui toute une vie. (...) Je n'ai rencontré, pour la 1ère fois, à Paris, en 1948, qu'une femme lourde et déjà sur l'autre versant de son chemin sur la terre. Vingt ans plus tard, au Caire, elle m'a conduit à l'oratoire de notre ami défunt, au lieu de son ordination sacerdotale. Elle avait eu beaucoup d'argent - il lui en restait encore assez pour se permettre des voyages, en France, en Suisse, où elle descendait dans des hôtels beaucoup trop chers. Je ne veux pas dire autre chose. Elle était pauvre en esprit et elle avait faim et soif de justice. Il est vrai qu'elle n'aimait pas l'Islâm, qu'elle ne comprenait pas - en cela, bonne chrétienne d'Orient, hélas!

    J'attends la suite - avec quelle impatience!

    Merci encore. Fraternellement.

Lettre du 28 mars 1985

    Grand merci pour la précieuse citation de L.M. sur les Chrétiens d'Orient. Je retrouve la substance de propos qu'il m'a souvent tenus. Quant à la possibilité de son mariage avec une Musulmane, vous savez comme moi que l'Islâm ne permet pas l'union d'une croyante avec un chrétien. C'était donc impossible. Les très rares cas que je connais doivent rester secrets et sont rejetés par les familles. Massignon aurait pu épouser Mary Kahil, sans doute, mais il se serait heurté au fait qu'elle détestait l'Islâm et que lui-même méprisait les Chrétiens d'Orient : situation insoluble. (...)

    Si vous avez de nouvelles copies de lettres de L.M., vous me feriez grand plaisir en me les envoyer. Mais que de textes ont disparu" (la "Confession", les "Diaires"...)! Sans doute volontairement détruits - "au poêle", me dit Mercanton!

    Avec tous mes vœux pour l'avancement de votre travail, dont j'ai hâte de lire l'ensemble.

Lettre du 29 juillet 1985

    Bravo pour votre "Centre Louis Massignon"! (...) De mon côté, j'ai remis le manuscrit de mon témoignage sur L.M. aux éditions du Seuil. Déjà, Paul Flamand - consulté par Michel CHOD - ne m'a fait que des critiques mineures, (...). Comme me le disait souvent L.M. : "Je suis effrayé de ma propre modération".

    La Roumanie - que j'ai trop peu vue et guère aimée - vous a-t-elle apporté quelque chose?

    A bientôt de vos nouvelles

    Bien à vous

Lettre du 31 décembre 1985

    Merci pour l'excellent premier numéro du Bulletin [du Centre L.M.]. Et bravo pour votre conférence à Angers.

    De mon côté, mon livre sur Massignon, terminé fin juin, a été refusé par le Seuil - malgré un contrat signé - puis par Gallimard. Je m'en tiens là et attends des jours meilleurs. Je ferais mieux d'écrire sur la... pensée juive!

    J'ai fini la traduction de la 1ère partie du Livre de l'Inde de Biruni (1030-1032) pour l'UNESCO.

    En 1986, la rédaction d'un essai critique sur T.E. Lawrence, dit d'Arabie, me sera l'occasion de reparler de Massignon, cet incorrigible empêcheur de penser comme tout le monde.

    Bien fidèlement.

Lettre du 31 mars 1986

    Bravo pour votre conférence à Angers! Votre texte est très bon. Évidemment, il fallait s'attendre à certaines réactions négatives. (...).

    J'ai enfin su et compris les raisons du refus, par le Seuil, d'éditer mon essai sur Massignon (malgré un contrat signé): le PDG du Seuil, quoique "musulman", déteste Massignon, parce qu'il est lui-même "guénonien" et féru exclusivement d'Ibn 'Arabî. CQFD. Mais son geste de rejet est malhonnête.

    Bien sûr, vous pouvez compter sur mon soutien.

    Continuez à "témoigner".

    Fraternellement.

Lettre du 29 juillet 1986

    Merci de votre lettre et du Bulletin.

    De mon côté, mon essai sur Louis Massignon est sous presse et devrait sortir à la rentrée. Je ne me fais aucune illusion: la presse gardera le silence. En effet, mieux vaut que le Péroncel-Hugoz n'en parle pas.

    Vous avez sans doute appris la mort, à Toulouse, de notre ami Louis Gardet : encore une perte irréparable.

    Comme vous le devinez, mon témoignage sur l'Iran à l'émission "Droit de réponse" a fait scandale et choqué presque tout le monde. Je suis heureux qu'il vous ait touché.

    Fraternellement

Lettre du 1er décembre 1986

       Je suis bien en retard pour vous répondre. Le travail en est la cause. Enfin, "Le Linceul de feu" doit paraître avant Noël et vous en aurez, bien sûr, votre exemplaire.

    Le Bulletin n°4 m'a fort intéressé et je suis heureux que vous ayez mis les choses au point - trop aimablement, à mon gré, pour Michel ***. et Maxime ***. Ce dernier est carrément malveillant - vous le constaterez en lisant mon livre. Massignon était l'anti-Ibn 'Arabi et, ne l'oubliez pas, l'anti-Guénon (les Upanishads ne sont quand même pas le Coran!). Le syncrétisme religieux ne peut mener qu'à une théosophie inconsistante.

    Je suis persuadé que la rupture de mon contrat d'édition avec le Seuil - décidée unilatéralement par Chod - est due à l'admiration exclusive portée par celui-ci à Ibn 'Arabi et à René Guénon (et son hostilité larvée vis-à-vis de Louis Massignon).

    Continuez votre effort pour faire connaître et aimer mon vieil ami "disparu"! C'est une noble et urgente tâche.

    Fraternellement.

Lettre du 19 janvier 1987

     Merci de votre lettre. (...)

    Je travaille, à la limite de l'épuisement, talonné par le temps, à la traduction, en vers français (pour l'UNESCO) de cents poèmes de Hâfez. Heureusement, je suis aidé par un peintre iranien, qui sait presque tout le dîvân de Hâfez par cœur.

    Après vous, j'ai reçu longuement la visite de Guy Harpigny [théologien, auteur d'une thèse sur L.M.], que je n'avais jamais vu. Moubarac et lui, me dit-il, ont achevé les tome IV et V des Opera minora (...).

Lettre du 1er septembre 1987

    Merci de votre excellente lettre. Elle m'apporte de vos nouvelles (thèse, nomination au Puy) : où est Paris X? Quand soutiendrez-vous? Je serai volontiers à votre jury. Je reçois régulièrement vos bulletins, toujours intéressants. Bravo pour vos découvertes à Bruxelles. Je connaissais l'existence du texte de L.M. sur Ibn Torjomân et je l'ai signalé dans mon livre (p.20), mais je ne l'ai jamais lu. Vous serait-il possible de me le communiquer? Jacques Keryell pourrait-il me faire envoyer, par son éditeur, son "Hospitalité sacrée"? (...).

    Êtes-vous bien sûr que la shahâda soit inscrite sur la porte gauche (en bois sculpté) de la cathédrale du Puy? Je croyais qu'on lisait mâ shâ'allâh? Pouvez-vous vérifier? Copier ou photographier l'inscription? De toute façon, c'est très intéressant et très important.

Lettre du 21 septembre 1987

    Merci de votre carte, qui lève toute incertitude sur la fameuse inscription. On lit bien : al-mulku li-Llâh - c'est-à-dire "La souveraineté à Dieu".

    J'attends donc votre visite à Paris - en octobre. Dès que vous connaîtrez la date de votre passage, voulez-vous me la communiquer? J'aimerais bien voir le texte de Massignon sur Ibn Torjomân le "renégat".

    Hier dimanche à 17 h 30, sur "la Cinq", émission consacrée à l'Iran avec, en conclusion, "Terrorisme = intégrisme = islâm". On l'aurait deviné. J'avais été pressenti, puis prudemment écarté. Bien sûr. Ci-joint un beau texte de la République islamique sur Jésus et sa mère: pour votre Bulletin? Il a paru dans "le Message de l'Islam" (Téhéran, avril-mai 1987, p.14-15, en français).

Lettre du 24 novembre 1987

    Merci et bravo pour votre excellente étude sur "L'art de l'Islam au Puy-en-Velay". (...) Avez-vous une copie de l'inscription coufique de Pürgg (Johanniskapelle)? J'aimerais bien la lire et l'examiner. (...)

    Un artisan illettré (en arabe) peut très bien copier sans comprendre. J'en ai trouvé beaucoup d'exemples en Indonésie, sur des stèles en caractères arabes, gravées sur place d'après des modèles de Cambay (au nord-ouest de l'Inde). Mais la question demeure : pour le Puy, par exemple, le sculpteur était un "poulain" (mowallad) venu du Royaume franc de Jérusalem, ou un enfant du Velay qui s'est servi d'une espèce de calque? Comment savoir?

    J'ai sous les yeux une photo très récente de la grande mosquée de Xsian (17e s.) en Chine. Au-dessus du portail, une inscription, taillée dans la pierre, se lit facilement : [shahâda]. Mais ce qui vient ensuite est presque indéchiffrable.

    Je m'arrête ici et je reste fraternellement vôtre.

Lettre du 25 mars 1988

    Je reçois à l'instant votre lettre. Autour du 10 avril, je serai bien à Paris. Impossible de m'absenter, j'ai trop de travail. (...)

    Tout ce que vous pourrez me montrer d'inédit sur Massignon m'intéresse.

    A bientôt le plaisir de vous revoir.

Lettre du 4 janvier 1989

    Merci pour vos vœux et pour le texte (que j'ignorais) de Louis Massignon. Hélas, pour ma décrépitude, c'est une année de moins - et une année de plus...

Lettre du 5 juillet 1989

    Grand merci pour les deux numéros de votre Bulletin, intéressants comme toujours. (...)

    Je vous ai fait envoyer un exemplaire de mes "5 couleurs de l'islâm". L'avez-vous bien reçu? Sinon, dites-le moi et je ferai le nécessaire auprès de l'éditeur.

    Je n'ai pas, en français, ni d'ailleurs en persan, le texte du Testament de l'Imam Khomeini. Mais je vais tâcher de me le procurer. Vous êtes débordant d'activité. Comme je vous envie, du fond du gouffre de la vieillesse!

    Fraternellement.

Lettre du 6 janvier 1990

    Merci de vos vœux. Je vous souhaite la paix, la santé et le couronnement de la thèse!

    Ce que vous me dites de la nouvelle "Croisade" ne me surprend pas. L'islâm est attaqué chaque jour - la presse en fait foi et tous les prétextes sont bons : "l'affaire du fichu" par exemple.

    J'aimerais contre-attaquer, mais aucun journal ne m'accepte. Ne suis-je pas extrémiste, fanatique, intégriste (suprême injure)? Comme disait le cher Massignon : "Nous sentons le roussi". Et il ironisait sur le "bonnet San-Bénite" des inquisiteurs...

    Que Dieu vous garde et vous guide!

Lettre du 24 août 1990

    Grand merci pour votre bonne lettre que je viens de recevoir. Moi aussi, je regrette de n'avoir pu assister au Colloque de Cerisy. Hélas, le moindre effort me fatigue. L'âge est venu tout d'un coup, sans prévenir et il faut bien me faire une raison.

    Bien entendu, je serais heureux de recevoir un exemplaire des Actes du Colloque. J'attends aussi votre thèse avec impatience. Ce sera un témoignage de prix.

    Vous me faites beaucoup d'honneur avec votre projet, pour l'an prochain, d'un colloque qui me serait consacré.

    J'avoue mon embarras : ne pensez-vous pas que ce genre de manifestation devrait avoir un caractère strictement "commémoratif"? Il me semble plus convenable d'attendre que quelqu'un ait disparu pour célébrer (ou non) sa mémoire.

    Ceci dit, faites comme vous l'entendez, mais il faudrait d'abord en parler, à l'occasion de votre prochain passage à Paris, in shâ Allâh!

    A bientôt j'espère. Toujours vôtre.