ANNEMARIE SCHWARZENBACH

Documents Biographiques

SOMMAIRE

La Voie cruelle

La mort en Perse

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Biographie

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A propos de Klaus Mann

 

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Retour à Annemarie Schwarzenbach

 

 

"Ayant vécu avec Thomas Mann et sa famille, était-elle peut-être d'accord avec le héros de la Montagne magique lorsqu'il dit : "La vie peut s'accomplir sur deux chemins; l'un est ordinaire, simple et direct.? L'autre est pénible, il conduit au-delà de la mort, et c'est la voie géniale"? La souffrance de Christina était-elle miraculeuse au point de mener au-delà de l'intellect, quoique combiné par lui? Je n'étais sure que d'une chose : elle était dans l'erreur lorsqu'elle s'identifiait à un être obsédé par la crainte"

Ella Maillart, La voie cruelle

 

"Je n'ignorais pas que de nobles pensées pouvaient s'élever derrière ce front dès qu'elles avaient dépassé une sorte d'obsession que je ne savais pas encore définir. Bien écartés, les yeux montraient des teintes allant du gris au bleu sombre à l'abri d'épais sourcils plus foncés que les cheveux. Le regard qui laissait deviner une âme éprise de beauté qui, souvent blessée par les discordances du monde, avait tendance à se replier sur elle-même. L'enthousiasme pouvait les faire briller, l'affection aussi et l'amour; ils répondaient bien à votre sourire, mais je ne les vis jamais rire. Quand on y prêtait attention, le nez surprenait par sa robustesse, une indication que la constitution de Christina n'était peut-être pas aussi faible qu'elle en donnait d'abord l'impression. Mélancolique, le modelé de la bouche pâle et irrégulière dont les lèvres aspiraient la fumée avec une voracité silencieuse. (...) Petit, le menton particulièrement jeune évoquait un enfant étonné et inquiet, prêt à demander protection. Les mains étaient celles d'un artisan patient qui sait ciseler une ligne pure"

Ella Maillart, La voie cruelle

"Pouvoir encore une fois accuser, aller encore une fois vers un autre être, aimer encore une fois ! On se précipite dans l'illusion aussi immense que la mer, on croit et on prie, et quand on regarde le visage aimé, on oublie la peur obscure. Mais que peut-on contre elle? 

Ah ! se réveiller encore une fois sans son angoissante étreinte, ne plus être seul, ne plus être livré à sa merci ! Sentir le souffle heureux du monde !

Ah ! vivre encore une fois !"

Annemarie Schwarzenbach, La mort en Perse

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Pahlevi, 1934

"Un jour, je me retrouvais seule sur un bateau russe en mer Caspienne, et débarquait le soir suivant à Pahlevi. Il pleuvait. Un aigle de mer s'était posé sur la plage de sable fouettée par la pluie et regardait par-delà la mer. On était en septembre, l'été était fini, et c'était aussi la fin de la Russie. J'avais vu disparaître les vignobles, les vertes collines de Géorgie, et là s'étendait maintenant cette plaine semi-désertique entre Tiflis et Bakou. C'était le retour de l'Asie, tout là-bas, une piste caravanière et les premiers chameaux..."

Annemarie Schwarzenbach, La mort en Perse

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Téhéran, 1935

"C'est à Trieste qu'elle s'était embarquée pour le Proche-Orient où elle devait épouser Francis. "Je sentais que j'allais vers une prison, disait-elle d'un air détaché. Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais trop faible pour me libérer alors que c'était encore possible." Je pouvais imaginer combien il était difficile pour ces deux êtres-là de devenir un couple. Aussi longtemps qu'on vit seul, on peut être égocentrique sans inconvénient; mais dans le mariage il est presque inévitable que l'un des deux vive pour l'autre. Christina ne vivait que pour écrire. Tandis que Francis avait appris à établir un compromis entre sa vie privée et sa vie de diplomate, Christina ne pouvait imaginer pareil tour de force; elle savait que la vie de légation est comme enfermée dans une vitrine, attrayante mais pour un instant seulement. (...)

- Maman avait prédit un désastre si je me mariais et cela se passa ainsi."

Ella Maillart, La voie cruelle