BARON VON UNGERN-STERNBERG

Ce qu'en dit René Guénon

 

 

 

René Guénon, CR de Vladimir Pozner, Le Mors aux dents (1938, réédition 2005), in Le Théosophisme

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René Guénon - Baron von Ungern

« Le baron Ungern était un homme extraordinaire, une nature très compliquée, aussi bien au point de vue psychologique qu'au point de vue politique.  Pour donner d'une façon simple ses traits caractéristiques, on pourrait les formuler ainsi : 1° il était un adversaire acharné du bolchevisme, dans lequel il voyait un ennemi de l'humanité entière et de ses valeurs spirituelles ; 2° il méprisait les Russes, qui à ses yeux avaient trahi l'Entente, ayant rompu pendant la guerre leur serment de fidélité envers le tsar, puis envers deux gouvernements révolutionnaires, et ayant accepté ensuite le gouvernement bolchéviste ; 3° il ne tendait guère la main à aucun Russe et il fréquentait seulement les étrangers (et aussi les Polonais, qu'il estimait à cause de leur lutte contre la Russie); parmi les Russes, il préférait les gens simples aux intellectuels, comme étant moins démoralisés ; 4° c'était un mystique et un Bouddhiste; il nourrissait la pensée de fonder un ordre de vengeance contre la guerre ; 5° il envisageait la fondation d'un grand empire asiatique pour la lutte contre la culture matérialiste de l’Europe et contre la Russie soviétique ; 6° il était en contact avec le Dalaï-lama, le « Bouddha vivant » et les représentants de l'Islam en Asie, et il avait le titre de prêtre et de Khan mongol ; 7° il était brutal et impitoyable comme seul un ascète et un sectaire peut l'être; son manque de sensibilité dépassait tout ce qu'on peut imaginer, et semblerait ne pouvoir se rencontrer que chez un être incorporel, à l'âme froide comme la glace, ne connaissant ni la douleur, ni la pitié, ni la joie, ni la tristesse ; 8° il avait une intelligence supérieure et des connaissances étendues ; il n'y avait aucun sujet sur lequel il ne put donner un avis judicieux ; d'un coup d'œil, il jugeait la valeur d'un homme qu'il rencontrait... Au début de juin 1918, un Lama prédit au baron Ungern qu'il serait blessé à la fin de ce même mois, et qu'il trouverait sa fin après que son armée serait entrée en Mongolie et que sa gloire se serait étendue sur le monde entier. Effectivement, à l'aube du 28 juin, les bolchévistes attaquèrent la station de Dauria... et le baron fut blessé d'une balle au côté gauche, au-dessus du cœur. En ce qui concerne sa mort également, la prédiction s'est réalisée : il mourut au moment où la gloire de sa victoire emplissait le monde entier ».

Major Antoni Alexandrowicz, officier polonais qui avait été, comme commandant de l'artillerie mongole, sous les ordres directs du baron von Ungern-Sternberg en 1918 et 1919, cité par René Guénon.

« La dernière phrase est peut-être excessive, à en juger par les discussions auxquelles nous faisions allusion au début; mais ce qui parait certain, c'est qu'il ne fut nullement capturé par les bolchévistes et que, quoique très jeune encore, il mourut de mort naturelle, contrairement à la version de M. Vladimir Pozner. Les lecteurs de celui-ci pourront voir aussi, d'après ces indications authentiques, si un personnage de cette sorte put n'être au fond, comme il l'insinue, qu'un simple agent au service du Japon, ou s'il ne fut pas plus vraisemblablement mû par des influences d'un tout autre ordre ; et nous ajouterons encore, à ce propos, qu’il n'était pas précisément ce qu'on pourrait appeler un « néo-bouddhiste », car, d'après des informations que nous avons eues d'une autre source, l’adhésion de sa famille au Bouddhisme remontait à la troisième génération. D'autre part, on a signalé récemment des phénomènes de « hantise » se produisaient au Château d’Ungern ; ne s’agirait-il pas de quelques manifestations de « résidus psychiques » en connexion plus ou moins directe avec toute cette histoire ? »