► TAREK RAMADAN

Réflexions à propos de l'ouvrage de Tarek Ramadan : Islam, le face à face des civilisations, paru aux éditions Tawhid, en 2001.

SOMMAIRE

A propos de Tarek Ramadan : De l'Islam en Europe à l'Islam européen

 Voir aussi Islam et islamisme

 

 

Actualités

Ce que Tarek Ramadan écrit du livre de Caroline Fourest:

« La formidable campagne médiatique qui s’est abattue sur moi en France a commencé après la publication de mon texte sur les (nouveaux) intellectuels communautaires. Depuis, on n’a point cessé la critique et tous les moyens ont été bons pour chercher à me diaboliser. Le livre Frère Tariq vient poursuivre cette campagne et Caroline Fourest n’est pas seulement « une journaliste d’investigation » mais également une militante de longue date pour qui toute critique de la politique israélienne est en fait de l’antisémitisme. Proche de Pascal Bruckner, protégée de Bernard-Henri Lévy, son livre est un pamphlet qui est tout sauf une étude sérieuse : le mensonge le dispute à la citation tronquée ; le raisonnement construit de toutes pièces n’a d’égal que l’approximation et les erreurs de dates, de noms, de lieux et de personnes » Oumma.com, 28 octobre 2004

 

 

 

 

 

 

 

Retour à Islam - Toute l'actualité - Retour à Sommaire  

Tarek Ramadan

 

Bibliographie

> Tarek Ramadan, Aux sources du renouveau musulman, Bayard éditions/Centurion, 1998

> Alain Gresh, Tareq Ramadan, L’Islam en questions, Sindbad/Actes Sud, 2000,

> Tarek Ramadan, Islam, le face à face des civilisations, éditions Tawhid, 2001

> Tariq Ramadan, Les Musulmans d'Occident et l'avenir de l'Islam, Sindbad / Actes Sud, 2003

 

 "LES TRANCHEES DU CONFLIT"

           C’est du côté du penseur musulman le plus brillant de sa génération, à savoir Tarek Ramadan, qu’il convient de regarder, si l’on prétend appréhender la réalité d’un Islam, en particulier d'un Islam européen, avec lequel l’Occident devra compter dans les années à venir.

            Outre deux guerres mondiales, le vingtième siècle aura été marqué par une confrontation entre l’Orient et l’Occident – et au moins dans la première moitié du siècle entre la Chrétienté et l’Islam. Confrontation qui s’est terminée, d’une part ,avec la décolonisation, dans les années 50, et, d’autre part, avec la victoire d’un impérialisme économique et culturel qui étend désormais sa suprématie à l’échelle de la planète. Or, le vingt et unième siècle verra, lui, la confrontation entre l’Islam et l’Occident. Ce qui est encore une manière de voir toute occidentale, d’ailleurs, puisque les musulmans continuent de croire, eux, le plus souvent, qu’il s’agit d’une confrontation entre leur propre religion et le christianisme.

            Déjà, les thèses de Huntington nous en tiennent avertis et, naturellement ,on peut penser que celles-ci se révèleront exactes, puisqu’elles prétendent s’imposer actuellement sans véritable débat. En fait, ces thèses ne sont ni justes, ni inexactes, simplement elles risquent de se vérifier, si rien dans les faits ne vient les contredire : car, « c’est bien l’Occident qui se crée ses ennemis et creuse, sans médiation, les tranchées du conflit ».

            C’est justement le mérite de Tarek Ramadan de récuser ces thèses, à la faveur d’une  critique qui cherche essentiellement à élever le débat, à définir les conditions d'un dialogue entre l'Islam et l'Occident : « Nous vivons une situation-limite, une crispation profonde dont il faut comprendre et analyser les causes et l’envergure pour espérer des lendemains plus sereins ».

            Pour qu’un dialogue puisse exister entre deux civilisations, au lieu de ce conflit que prophétise Huntington, il faut naturellement en créer les conditions, or, ne pas reconnaître l’Autre dans sa différence, c’est inévitablement s’empêcher tout échange avec lui. D’où la confrontation qui résulte de l’absence de dialogue ou, pire encore, d'un dialogue tronqué qui consiste à ne dialoguer qu’avec celui qui nous ressemble, qui a donc renoncé à sa différence pour nous ressembler. Il ne manque pas d’intellectuels musulmans qui font carrière sur ce fond de commerce, et c’est ce à quoi s’oppose justement Tarek Ramadan : « Refuser l’invasion culturelle, encore une fois, ce n’est pas être anti-occidental ; c’est s’opposer au rapport de force et à la volonté d’hégémonie de l’univers symbolique de l’Occident : c’est s’opposer non à son être mais à sa façon d’être ». Autrement dit, il y a confrontation entre l’Islam et l’Occident dans la seule mesure où l’Occident ne crée pas les conditions d’un dialogue, sinon avec un autre qui lui ressemble ! Il est tout de même stupéfiant que ce soit un penseur musulman qui rappelle à l’Occident chrétien ce qui constitue le fondement du concile Vatican II : l’accueil de l’Autre dans sa différence !

            Il est évident que l’Islam et l’Occident se trouvent actuellement dans une confrontation qui annonce bien des situations conflictuelles à venir. A moins bien sûr, ce qui semble être l’espoir secret de tout l’Occident, que l’Islam renonce prochainement à son identité, qu'il se sécularise comme on l'entend parfois - tandis que celui, clairement affiché, de l’Islam est que cette identité soit reconnue par l'Occident, - ce en quoi l’Islam ne se définit pas contre lui : « Non pas contre l’Occident car ce qui ne se fait comme l’Occident (ou selon ses intérêts) ne se fait pas forcément contre l’Occident. »

            Mais, quelle est donc cette différence que l’Occident se refuse si fermement à accueillir ? C’est la dimension religieuse de l’Islam : - « Il convient de comprendre la dimension spécifique, la « logique » pourrait-on dire, d’une Révélation englobant tous les domaines du vécu dans laquelle il n’y a aucune contradiction entre l’intimité de la foi et l’engagement dans la cité. Et qui fait de la prière en commun un acte nécessairement, impérativement, social. »

            Alors, dans ces conditions, le problème posé à l’Occident est parfaitement clair et de sa réponse va dépendre l’avenir des rapports entre deux civilisations. Il s’agit, en l’occurrence, pour l'Occident de reconnaître cette richesse de l’Islam que constitue sa "logique" religieuse, et surtout de lui permettre de participer aux « dynamiques de l’avenir » :

            « Une civilisation encore nourrie de cet enchantement sacré du monde, moralement exigeante, écologique par essence, humaniste par révélation, présente et signifiante dans l’intimité de plus d’un milliard d’êtres ; cette civilisation, disons-nous, participe des dynamiques de l’avenir. Elles seront pacifiques si l’on maîtrise les tendances à la diaboliser ; elles seront conflictuelles si l’arrogance, la suffisance et le mensonge persistent ».

            Après les occasions manquées d’une vraie rencontre entre l'Islam et l'Occident, durant les années qui ont suivi la décolonisation, cette revendication apparaît légitime pour la majorité des musulmans, spécialement en Europe. Et comment pourrait-elle ne pas l’être ? Il reste qu’elle est assortie de menaces voilées qui devraient attirer l’attention sur la détermination des musulmans, et, d’une certaine manière, si nous voulons encore y travailler, permettre de reprendre sur des bases nouvelles un dialogue inédit entre ces deux civilisations.