« Une civilisation est
saine et intégrale dans la mesure où elle se fonde sur la « religion
invisible » ou « sous-jacente », la
religio perennis ; c’est dire
qu’elle l’est dans la mesure où ses expressions ou ses formes laissent
transparaître l’Informel et tendent vers l’Origine, véhiculant ainsi le
souvenir d’un Paradis perdu, mais aussi, et à plus forte raison, le
pressentiment d’une Béatitude intemporelle »
*
Qu’est-ce que la Religio perennis ? C’est « la quintessence de toute religion »,
autrement dit cette Religion divine qui est « immuable en son essence »,
mais dont « la formulation peut se renouveler ».
Comme le remarque Frithjof Schuon, « Dieu a voulu que des mondes
religieux différents et divergents coexistent sur une même planète »,
mais aussi que « si Dieu veut qu’il y ait diverses religions, Il ne peut
pas vouloir que telle religion soit telle autre religion ».
Or, s’il existe des divergences entre les religions, elles « ne sont pas
inséparables pour ceux qui voient les réalités spirituelles « de
l’intérieur », écrit
Titus Burckhardt
: pour retrouver le centre d’un cercle étant ici le monde ou l’âme
humaine – on peut lui inscrire n’importe quelle figure régulière, un
triangle équilatéral, un carré, un hexagone, etc., puis construire, sur
les côtés de cette figure, les perpendiculaires qui coïncideront au
point recherché. Pareillement, chaque religion représente une certaine
« économie » spirituelle, qui se suffit à elle-même ; c’est-à-dire
qu’elle suffit pour retrouver à partir d’elle le centre divin de toutes
choses. Un triangle n’est pas un carré, et un hexagone n’est pas un
octogone ; cependant chacune de ces figures est en quelque sorte une
image du centre ».
C’est ainsi qu’il existe, à côtés de ces divergences, et en quelque
sorte à partir du « centre divin de toutes choses », une
Unité
transcendante des religions, pour reprendre le titre d’un des
ouvrages les plus importants de Schuon. Mais aussi cette Unité ne peut
se comprendre qu’en rapport avec l’existence d’une « sagesse incréée »,
d’une Sophia.
La Sophia perennis, est, en effet,
Sophia, cette Sagesse
d’origine divine, qui est la « sagesse incréée » de Dieu.
La Sophia perennis apparaît donc comme « l’ésotérisme en soi »,
lequel est « indépendant des formes particulières » de l’ésotérisme.
Elle est l’essence de tel ou tel ésotérisme, de telle ou telle
tradition, de la même manière que la Religio perennis est la
« quintessence » des religions.
La Sophia perennis, c’est également « connaître la Vérité totale
et, par voie de conséquence, vouloir le Bien et aimer la Beauté ».
C’est en référence à cette Sophia perennis, à cette Tradition
primordiale, pour reprendre une expression de René Guénon, que
l’ésotérisme existe : « La doctrine métaphysique ou ésotérique s’adresse
à une autre subjectivité que le message religieux général : celui-ci
parle à la volonté et à l’homme passionnel et celle-là à l’intelligence
et à l’homme contemplatif ; l’aspect intellectuel de l’exotérisme est la
théologie tandis que l’aspect émotionnel de l’ésotérisme est le sens de
la beauté en tant qu’elle possède une vertu intériorisante » (Ésotérisme
comme principe et voie).
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