OSSENDOWSKI
"Arrêtez!
murmura mon guide mongol un jour que nous traversions la plaine près de
Tzagan Luk. Arrêtez!
Il se laissa glisser du haut de son chameau qui se
coucha sans qu'il eût besoin de lui en donner l'ordre. (...)
- Avez-vous vu, me demanda le Mongol, comme nos
chameaux remuaient les oreilles de frayeur, comme le troupeau de chevaux
sur la plain e restait immobile et attentif et comme les moutons et le
bétail se couchaient sur le sol? Avez-vous remarqué que les oiseaux
cessaient de voler, les marmottes de courir et les chiens d'aboyer?
L'air vibrait doucement et apportait de loin la musique d'un chant qui
pénétrait jusqu'au cœur des hommes, des bêtes et des oiseaux. La
terre et le ciel retenaient leur haleine. Le vent cessait de souffler;
le soleil s'arrêtait dans sa course. En un moment comme celui-ci, le
loup qui s'approche des moutons à la dérobée fait halte dans sa
marche sournoise; le troupeau d'antilopes apeurées retient son élan
éperdu; le couteau du berger prêt à couper la gorge du mouton lui
tombe des mains; l'hermine rapace cesse de ramper derrière la perdrix
salga sans méfiance. Tous les êtres vivants pris de peur,
involontairement tombent en prières, attendant leur destin. C'était ce
qui se passait maintenant. C'était ce qui se passait toutes les fois
que le Roi du monde, en son palais souterrain, prie, cherchant la
destinée des peuples de la terre."
"Par
une nuit d'hiver, plusieurs cavaliers arrivèrent au monastère et
demandèrent que tous les Gelongs et les Getuls, avec le Houtouktou et
le Kanpo à, leur tête se réunissent dans cette pièce. Alors un des
étrangers monta sur le trône et enleva son bachlyk,
c'est-à-dire sa coiffure. Tous les lamas tombèrent à genoux, car ils
avaient reconnu l'homme dont il avait été question depuis longtemps
dans les bulles sacrées du Dalaï-Lama, de Tashi lama et du Bogdo khan.
C'était l'homme à qui appartient le monde entier, qui a pénétré
tous les mystères de la nature. Il prononça une courte prière en
thibétain (sic), bénit tous les auditeurs, puis fit des
prédictions pour le demi-siècle qui vient. C'était il y a trente ans
et dans l'intervalle, toutes les prophéties se sont réalisées.
Pendant ses prières, devant le petit autel, dans la salle voisine, la
porte que vous voyez s'ouvrit toute seule, les cierges et flambeaux
devant l'autel s'allumèrent spontanément, et les encensoirs sacrés,
sans feu, envoyèrent dans l'air des flots d'encens qui remplirent la
pièce. Puis, sans avertissement, le roi du monde et ses compagnons
disparurent." "Quand il sort du
temple, le Roi du Monde rayonne de la Lumière divine"
"La
capitale d'Agharti est entourée de villes où habitent des grands
prêtres et des savants. Elle rappelle Lhassa où le palais de
Dalaï-Lama, le Potala, se trouve au sommet d'une montagne recouverte de
temples et de monastères. Le trône du Roi du Monde est entouré de
deux millions de dieux incarnés. Ce sont les saints panditas. Le palais
lui-même est entouré des palais des Goiros qui possèdent toutes les
forces visibles et invisibles de la terre, de l'enfer et du ciel et qui
peuvent tout faire pour la vie et la mort des hommes."
"Il
n'est pas juste que le bouddhisme et notre religion jaune le cachent. La
reconnaissance de l'existence du plus saint et du plus puissant des hommes,
du royaume bienheureux, du grand temple de la science sacrée est une
telle consolation pour nos cœurs de pécheurs et nos vies corrompues
que le cacher à l'humanité serait un péché" |