« Le
phénomène du nomadisme, en général, est actuellement soumis à des menaces
qui viennent de plusieurs côtés à la fois. Le nomadisme, en principe, est
l’adaptation d’une population déterminée à la vie dans un milieu
particulier, et je pense là au milieu saharien, naturellement.
La
continuité du nomadisme et tout ce que cela représente, évidemment – car le
nomadisme saharien n’est pas seulement une technique d’élevage, mais aussi
une culture traditionnelle avec une littérature, elle est orale bien sûr, mais
elle existe, un art, il est un peu géométrique, mais c’est un art aussi -,
la continuité de ce nomadisme est en danger. Il faut dire les choses comme
elles sont. Le nomade a toujours été – ce n’est pas un problème nouveau
– mal vu des administrations centrale, et des gouvernements sédentaires,
parce que le nomade est un homme libre et qu’un homme libre est difficilement
tolérable pour les bureaux »
*
Ainsi
un Henry de Monfreid qui est plus connu pour ses aventures marines en Mer Rouge,
et qui fut surtout un aventurier, - mais il partageait avec lui la même ascèse
de vie, le même mépris des conventions, une même longévité (Monfreid est
mort à 94 ans) et ils avaient un ami commun : Teilhard de Chardin.
On ne
peut manquer d’évoquer aussi l’Anglais Wilfred Thesiger, sans doute plus
explorateur que scientifique, mais dont la discipline de vie évoque celle de Théodore
Monod – longtemps dernier survivant de cette génération,
il mena l’existence des
nomades soudanais, à quelque 90 ans.
On pense
également à un autre protestant,
certes spécialiste de régions désertiques qui ne sont pas sahariennes, même
s’il a commencé sa carrière au Sahara, mais un scientifique, lui, dont les
préoccupations intellectuelles et philosophiques sont bien proches de celles de
Théodore Monod : Jean Malaurie.
On pense, enfin, à l’écrivain Bruce
Chatwin, cet autre marcheur, ce nomade, mort en 1989, qui avait adopté ce mode
de vie, si l’on peut s’exprimer ainsi, et qui écrivait : « Le
mieux est de marcher. Nous devrions suivre le poète chinois Li Bo dans les
"difficultés du voyage et les nombreux embranchements du chemin". Car
la vie est une traversée du désert."
Tous ces hommes, ces marcheurs – et même Michel Vieuchange, dans sa brève
et tragique épopée – tirent de leur expérience une conclusion identique :
le monde, c’est-à-dire le monde des sédentaires, ce qu’on nomme généralement
la civilisation, ne pourra survivre que s’il emprunte aux nomades une certaine
manière de vivre, qui est faite de simplicité et d’endurance, parfois
d’ascèse. Or, Théodore Monod, comme Wilfred Thesiger, qui sont
d’extraordinaires connaisseurs du désert et des peuples qui y vivent étaient
parvenus à la même constatation douloureuse : ce monde des nomades est en
train de disparaître.
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