Louis Massignon,
mort en 1962, fut un remarquable connaisseur de
l’islam et du monde arabe, dont les cours au Collège
de France attiraient un public nombreux et varié,
élèves et disciples fascinés par l’auteur d’une
thèse monumentale sur le martyr mystique de Bagdad,
al Hallâj – un des très grands livres universitaires
du 20e siècle – découvert lors d’une expédition en
Mésopotamie qui sera également l’occasion d’une
bouleversante expérience spirituelle.
Massignon fut
aussi, au cours d’une vie d’une extraordinaire
densité, un agent d’influence du Quai d’Orsay, rival
direct de Lawrence d’Arabie, plus tard un
intellectuel engagé dans toutes les batailles du
Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord : création de
l’état d’Israël, Maroc, Syrie, indépendance de
l’Algérie.
Le personnage privé
se révèle tout aussi complexe et passionnant :
apôtre de l’hospitalité, ce passionné d’islam fut un
catholique fervent, d’un grand mysticisme, et sera
ordonné prêtre selon le rite melkite, bien qu’ayant
femme et enfants.
Parmi les grandes
amitiés qui jalonnent son existence, il y a le père
de Foucauld, qui l’avait choisi comme successeur à
Tamanrasset, Paul Claudel, Jacques Maritain ; mais
le lecteur peut aussi découvrir dans ces pages la
présence, plus furtive, de Gide, Cocteau ou Jean
Genet.
Cet ouvrage a
obtenu le Grand prix de biographie de l’Académie
française.
*
L’intérêt pour l’œuvre et
l’action de Louis Massignon, « le dernier des
orientalistes », n’a pas faibli depuis sa mort
en 1962. Au contraire, l’actualité ne cesse de
rappeler que ses vues avaient quelque chose de
prophétique, qu’il s’agisse des relations Orient
- Occident : guerre en Irak, situation dans les
territoires palestiniens, émergence de l’islam
européen, ou de l’Église catholique : dialogue
avec les religions non chrétiennes, message de
Fatima, béatifications de la visionnaire
Anne-Catherine Emmerick et de Charles de Foucauld…
C’est
que Louis Massignon était un génie d’un genre
particulier, certes spécialiste du monde
arabo-musulman et auteur d’une thèse fameuse sur
al-Hallâj,
mais aussi un homme de foi et d’action, prompt à
s’engager, en pleine période de décolonisation,
dans tous les combats pour la Justice (le Maroc,
Madagascar, la Palestine), et, enfin, un grand
spirituel chrétien, dépositaire testamentaire de
Charles de Foucauld qu’il faillit accompagner au
désert et dont il fera connaître l’œuvre à sa
mort.
Celui
qui est entré à Jérusalem avec le Colonel
Lawrence, en 1917, deviendra, plus tard, un des
premiers disciples français de Gandhi. Le
professeur au Collège de France visitait les
prisonniers. Le Français, admirateur de Jeanne
d’Arc, avouera que sa patrie spirituelle était
le monde arabe. Le père de famille se fera
ordonné prêtre dans le rite melkite. L’ami de 30
ans d’un Jacques Maritain, d’un Paul Claudel
n’hésitera pas à se brouiller avec eux sur la
question palestinienne…
Personnage
complexe, Louis Massignon demeure une des plus
fascinantes personnalités du 20e
dont l’influence occulte sur la politique
français en direction du monde arabo-musulman et
dans l’Église du concile Vatican II, mérite
d’être connue tout de même que son expérience
spirituelle hors du commun.
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