La Kabbale ou l'ésotérisme hébraïque

LA TORAH

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« La Torah est comparée à une pucelle de merveilleuse beauté, qui est cachée dans une chambre dérobée du château et qui a un amoureux. La belle est seule à savoir qu'elle est aimée par lui. Son amour pour elle le fait continuellement passer devant sa porte, et il tourne les yeux de tous les côtés pour la découvrir.  Elle, qui sait que son amoureux ne cesse de rôder autour du château, que fait-elle ? Elle ouvre une petite porte dans sa demeure cachée, elle dévoile un instant son visage à son amant, puis elle le voile rapidement de nouveau. Il n'y a que lui qui ait remarqué ce geste; mais son âme et son coeur et tout ce qui est lui sont attirés vers elle... Ainsi en est-il de la Torah qui ne dévoile ses secrets qu'à ceux qui l'aiment.  Elle sait que le sage ne cesse de rôder autour des portes de sa maison. Que fait-elle? Elle lui montre son visage depuis son palais, lui donne un signe, puis le cache aussitôt. Personne de ceux qui se trouvent là n'a rien vu sauf lui, et il est attiré par elle, de tout son coeur, de toute son âme, de tout son être. Ainsi la Torah se révèle et se cache et par les signes de son propre amour elle attise l'amour dans le coeur de son amant. Venez et voyez : tel est le chemin de la Torah. D'abord, quand elle commence de se révéler à l'homme, elle ne se manifeste que pendant un court instant. S'il comprend, tout est pour le mieux. S'il ne comprend pas, elle l'envoie chercher, elle l'appelle son « simple d'esprit », et elle dit à ses messagers: dites à ce simple d'esprit de venir s'entretenir avec moi, comme il est écrit (Prov., 9,4) : «Celui qui est simple d'esprit, qu'il entre ici. » Quand celui-ci se présente chez elle, elle commence par lui dire, de derrière un rideau qu'elle a tendu à son intention, des paroles qui sont à la portée de son entendement, jusqu'à ce que, petit à petit, il se mette à comprendre; c'est ce que l'on nomme derdshàh. Ensuite elle lui parle de derrière un voile plus fin; elle lui tient des propos faits d'énigmes allégoriques, ce qui porte le nom de haggâdâh. Quand il a fini par se familiariser avec elle, elle lui dévoile sa face et s'entretient avec lui de tous les mystères cachés qui ont été déposés dans son coeur depuis les premiers jours de la création. C'est alors qu'un tel homme est parfait, qu'il est un «maître» de la Torah au sens fort, comme le maître de la maison, puisqu'elle lui a révélé tous ses mystères sans rien garder pour elle, ni rien cacher. Elle lui dit : «Te souvient-il du premier signe que je t'ai fait?  Combien de mystère ne contenait-il pas? Telle et telle est la vraie signification.» Alors il se rend compte de ce que rien ne peut être ajouté ni retranché à la Torah. Il comprend que le sens simple de la Torah s'ouvre sur toutes ses implications latentes, sans qu'une seule lettre soit en trop ou en moins. C'est pourquoi les hommes devraient s'adonner à l'étude de la Torah, y apporter de la minutie, pour devenir ainsi ses amants, comme on vient de le décrire ». Zohar, Il, 99 a - b

 

La Torah

Le Zohar convie ses lecteurs, les kabbalistes, à devenir des « amants de la Torah ». C’est, en effet, que d’une part « toute la Lumière que Dieu a donnée à Israël, se cache dans la Torah » et que d’autre part la Kabbale est « l’essence doctrinale de la Torah ». C’est donc à un pèlerinage à l’intérieur de la Torah et des mondes que la Kabbale invite :

« Ses récits qui rapportent des choses du monde composent l’habit qui couvre le corps de la Torah. Et ce corps est formé des préceptes de la Torah. Les hommes sans entendement ne voient que les récits, les vêtements; ceux qui ont un peu plus de sagesse voient également le corps. Mais les véritables sages, ceux qui servent le Roi Très-Haut, ceux qui se tenaient au Mont Sinaï, pénètrent jusqu’à l’âme, jusqu’à la Torah véritable qui est la racine fondamentale de tout. Au temps futurs, il leur sera accordé de pénétrer jusqu’à l’âme même de l’âme de la Torah.

            Voyez maintenant comme il en va de même dans le monde céleste, avec le vêtement, le corps, l’âme et l’âme supérieure. Les vêtements extérieurs sont les cieux et tout ce qu’ils contiennent ; le corps est la communauté d’Israël, et c’est le vase de l’âme, à savoir de « la gloire d’Israël ». Et l’âme de l’âme est l’Ancien Saint. Et tout est conjoint, un degré dans l’autre. »

           « L’Ancien Saint, dit le Zohar, n’est pas susceptible de transformation. Il n’a jamais changé et ne changera pas. Il est le centre de toute perfection. C’est l’image qui embrasse toutes les images, l’image qui embrasse tous les noms, l’image qu’on voit partout et sous toutes les formes, mais seulement au titre de reproduction ou de peinture, tandis que nul ne peut voir l’image réelle et authentique. »

Kabbale théosophique et Kabbale extatique

La Kabbale « théosophique » et la Kabbale « extatique » se distinguent l’une de l’autre par leur symbolisme, descendant ou ascendant.

            La Kabbale « extatique » est dite ascendante, en ce sens qu’elle décrit une ascension de l’homme en direction du divin : « Il est bien connu des maîtres de la Kabbale que la pensée humaine provient de l’âme intellectuelle qui est descendue d’en haut. La pensée humaine est capable de se dévêtir (des résidus étrangers) et de monter jusqu’à atteindre le lieu de sa source. Alors elle s’unit avec l’entité supérieure d’où elle procède et elles deviennent une seule entité ».

            La Kabbale « théosophique », inspirée par le Zohar, est dite descendante, parce qu’elle prétend à une union, à une unification de l’homme et de la « présence divine », la Che’hina, à l’image de l’union du Saint, Beni soit-il et de la Che’hina. Ainsi s’exprime le Zohar :

          « Selon la doctrine cachée, il est du devoir des hommes de vraie foi de diriger tout leur esprit et toute leur intention vers la Shekhina. A la lumière de ce qui a été dit précédemment, on pourrait objecter que l'homme est en état de plus grande dignité au cours d'un voyage qu'à la maison, en raison de la compagne céleste qui l'accompagne. Il n'en est pas ainsi. A son foyer, la femme est le fondement de sa maison, puisque c'est grâce à elle que la Présence divine n'abandonne pas la maison.

            Aussi le verset : « Et Isaac la conduisit dans la tente de Sarah sa mère » (Gen, XXIV, 67) a été interprété par nos maîtres comme signifiant que la Présence divine est entrée, avec Rébecca, dans la demeure d'Isaac. D'après la doctrine cachée, la Mère céleste n'est avec le mâle que lorsque, la maison étant prête, mâle et femelle sont unis. A ce moment, la Mère d'en haut répand sur eux ses bénédictions.

            De même, la Mère d'en bas ne se trouve avec le mâle que lorsque la demeure est prête, et que le mâle s'approche de la femelle et ils s'unissent; alors, les bénédictions de la Mère d'en bas sont répandues sur eux. Donc, deux femelles, sa Mère et sa femme, doivent entourer l'homme dans sa maison, tout comme le Mâle d'en haut. C'est à quoi fait allusion le verset : « Jusqu'au ('ad) désir des montagnes éternelles » (Gen. XLIX, 26). Ce 'ad est l'objet désiré des « montagnes éternelles », à savoir la femelle suprême qui s'apprête pour lui, lui donne la félicité et le bénit, et aussi la femelle inférieure qui s'unira à lui et trouvera en lui son soutien.

            Semblablement, ici-bas, le désir des « montagnes éternelles » va vers l'homme lorsqu'il est marié, et deux femelles, l'une du monde d'en haut et l'autre du monde d'en bas, lui donnent la félicité - celle d'en haut en répandant sur lui toutes les bénédictions, et celle d'en bas en recevant de lui son soutien et en s'unissant à lui.  C'est ainsi qu'il en est pour l’homme dans sa maison. »

            La singularité de la Kabbale « théosophique » est par conséquent de proposer une relation entre l’homme et la femme, l’homme et le Divin, qui imite, en quelque sorte l’union des deux « principes » masculin et féminin en Dieu et des sephiroths entre eux au sein de la divinité : « L’union convenable de l’homme et de la femme est à la ressemblance des cieux et de la terre », ou encore : « Ce n’est ni en l’homme ni en la femme que la Che'hina se présente mais bien dans l’intimité de leur relation ». Mais cette union, quand elle est réalisée « purement », influe positivement sur le monde supérieur. C’est le pouvoir théurgique de la relation sexuelle dans le monde inférieur.