René Guénon

De l'initiation

SOMMAIRE

Aperçus biographiques

Les Appels de l'Orient, 1925

Le Roi du monde : Ce qu'en dit René Guénon

 

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Retour à René Guénon

« Le but réel de l’initiation, ce n’est pas seulement la restauration de « l’état édénique », qui n’est qu’une étape sur la route qui doit mener bien plus haut, puisque c’est au delà de cette étape que commence vraiment le « voyage céleste » ; ce but, c’est la conquête active des états « supra-humains » (…). Pour exprimer les choses autrement, nous dirons que l’état humain doit d’abord être amené à la plénitude son expansion, par la réalisation de ses possibilités propres (et cette plénitude est ce qu’il faut entendre ici par « l’état édénique ») ; mais, loin d’être le terme, ce ne sera encore là que la base sur laquelle l’être s’appuiera pour « salire alle stelle », c’est-à-dire pour s’élever aux états supérieurs (…). Il y a donc deux périodes à distinguer dans l’ascension, mais la première, à vrai dire, n’est une ascension que par rapport à l’humanité ordinaire : la hauteur d’une montagne, quelle qu’elle soit, est toujours nulle en comparaison de la distance qui sépare la Terre des Cieux ; en réalité, c’est donc plutôt une extension, puisque c’est le complet épanouissement de l’état humain. Le déploiement des possibilités de l’être total s’effectue ainsi d’abord dans le sens de « l’ampleur » et ensuite dans celui de « l’exaltation », pour nous servir ici de termes empruntés à l’ésotérisme islamique ; et nous ajouterons encore que la distinction des deux périodes correspond à la division antique des « petits mystères » et des « grands mystères »

(L’ésotérisme de Dante, Gallimard, 1957, pp. 48-49).

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Note sur l'initiation

Dans ses Aperçus sur l’ésotérisme chrétien, René Guénon évoque  l’existence en Occident de « doctrines purement métaphysiques et que nous pouvons dire complètes, y compris cette réalisation qui, pour la plupart des modernes, est sans doute une chose à peine concevable ». Ces doctrines étaient enseignées par des ordres ésotériques chrétiens. René Guénon mentionne nommément, dans la filiation de l’Ordre du Temple, les Fidèles d’Amour, la Chevalerie du Saint-Graal. « C’est leur propre initiation, dira-t-il également, qui les rendit aptes à entrer en relation sur ce terrain avec les Orientaux ». Mais ces organisations ont disparu dès la fin du moyen âge, et il semble irréaliste dès lors de penser qu’il existe encore des possibilités d’initiation en Occident, au sens où l’entend René Guénon. Toutefois, nous ferons remarquer ceci :

         Il existe en Occident des maître « invisibles », en ce sens qu’ils ont quitté la manifestation terrestre, mais qui, parce qu’ils ont appartenu effectivement à ces organisations, sont qualifiés pour conférer l’initiation.

         Il y a, surtout, une certaine rencontre de l’Orient et de l’Occident, vécue dans le secret du cœur, qui autorise l’initié à entrer en relation avec son Maître intérieur et, par conséquent, à progresser vers les états supérieurs de l’être, pour reprendre la terminologie de René Guénon.

Orient et Occident

         On ne peut plus, comme René Guénon autrefois, jouer l’Orient contre l’Occident, car l’Orient lui-même est entré en « décadence » à la manière occidentale. Finalement on se trouve dans un univers pratiquement dévasté, du fait de cette « décadence » de l’Orient et de la « décomposition » toujours plus importante de l’Occident.

         Peut-on considérer cependant que désormais la voie qui est réservée à l’Occident serait une voie d’Orient et d’Occident ? L’Occident traçant une voie qui emprunte simultanément à l’Orient et à l’Occident, aux maîtres visibles d’Orient et aux maîtres invisibles d’Occident, invisibles, parce qu’ils ont quitté la manifestation terrestre. Une voie qui ferait se rencontrer, sur le plan de l’ésotérisme, les différentes voies ésotériques que sont la Kabbale, l’ésotérisme chrétien, et l’ésotérisme islamique. Non plus entre l’Orient et l’Occident, mais bien d’Orient et d’Occident. Ce qui serait une autre thèse. Est-elle défendable ? Il s’agit de revivifier une tradition occidentale qui s’est seulement « occultée » et qu’il est possible de faire revivre sous sa forme originale en la confrontant à sa forme orientale. Pas de tenter de réorganiser des ordres qui n’ont plus accès à la Tradition - René Guénon a montré que cela n’était plus possible - ni, enfin, mais c’est une évidence, de faire renaître de leurs cendres des ordres disparus dès lors qu’il n’existe plus aucune garantie « traditionnelle ». Il ne s’agirait plus de quitter l’Occident pour l’Orient, à la manière d’un Guénon ni de demeurer entre Orient et Occident, comme Frithjof Schuon, mais d’être d’Orient et d’Occident. Naturellement, ce serait d’une tradition occidentale qui a son équivalent en Orient. Sur qui et quoi s’appuyer? Sinon sur le dépôt de la Tradition conservé intact en Orient, mais non plus en tant qu’Occidental, ou qu’un Oriental, mais en se tenant au terrain de contact « ésotérique » entre l’Orient et l’Occident, quand il existe.