« Vous êtes étrangers à vous-mêmes, et cela, c’est
vous »
L’enseignement de
Mounir Hafez, puisque c’est ce dont il est question
dans ces pages, porte sur la vie intérieure, de ce
qu'elle n'est pas - « On peut éprouver des choses
profondes, mais ce n’est pas la vie intérieure », -
et de ce qu'elle est : « La vie intérieure,
pourrait-on dire, est un pur entendement ; c’est
vivre ce qui est le contraire du phénomène, c’est
vivre le noumène, l’essence des choses, vivre dans
son essence. »
Cet enseignement
est d’un maître spirituel qui emprunte aussi bien à
la Tradition occidentale, Jacob Boehme ou le
soufisme, car « le soufisme est une vision
occidentale », qu’à la science contemporaine. Tel
est certainement le trait le plus singulier de cette
démarche qui ne se limite pas à désigner « le chemin
mystérieux qui va vers l’intérieur », selon les mots
du poète romantique allemand Novalis, mais à
proposer une méthode qui s’adresse à des
personnes « qualifiées », et qui exige, comme il se
doit, un véritable « travail intérieur », sous la
conduite d’un maître.
Or, si ce maître,
en la personne de Mounir Hafez, a disparu, il n’en
demeure pas moins sa méthode, qui consistait à
mettre en condition ses auditeurs de trouver leur
« guide personnel », qui « n’apparaît que lorsque
certaines choses ont été réalisées et que d’autres
sont mortes », ce « guide de lumière » dont la
fonction « est toujours de révéler par n’importe
quel moyen l’autre versant de la personne, le
versant lumineux ou le Pôle céleste de soi-même ».
Ici, ce sont autant
d’expressions familières aux lecteurs de Henry
Corbin, le « pèlerin d’Iran », dont Mounir Hafez
était très proche. On trouvera d'ailleurs maintes
allusions à son œuvre de précurseur. Ainsi la
mention de l’Île verte, ce « continent inconnu, d’où
tout les continents prennent leur réalité », dans le
texte introducteur retenu par Janine Hafez. Mais
ailleurs il sera question de l’imagination
créatrice, qui n’est pas l’imaginaire : « Ce
qui est créateur dans l’imagination, ce n’est pas
l’imagination, c’est la pensée ; c’est l’entendement
qui imagine. Pourquoi ? L’imagination crée des
formes, l’entendement pur est sans forme.»
Avec Henry Corbin,
enfin, Maître Eckhart, Jacob Boehme, l’ésotérisme
islamique, à côté de philosophes, comme Heidegger,
et de scientifiques, forment l’essentiel des
références présentes dans cet ouvrage, et ce n’est
pas le moindre des enseignements de Mounir Hafez, en
des temps de confusion qui sont les nôtres,
spécialement en ce domaine, que de confirmer que si
l'ésotérisme chrétien en Occident se réduit de nos
jours à la connaissance des œuvres de Maître Eckhart
et du « théosophe de Görlitz », cette voie
initiatique s'enrichit désormais autant de la
réflexion scientifique contemporaine que de
l’ésotérisme islamique.
Voir
http://www.lesdeuxoceans.fr
Patrick
Ringgenberg, La
peinture persane, ou La vision paradisiaque,
Les Deux Océans, Paris, 2006
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