De leur
raid de Pékin à Delhi, à travers le Sin-Kiang, Peter Fleming a
rapporté un ouvrage désormais classique, Courrier de Tartarie,
et Ella Maillart, un de ses livres les plus connus, Oasis interdites.
Neuf mois de vie commune, aventureuse et risquée, mais désirée, de
l'aveu même d'Ella Maillart : "Comme Peter, j'adorais le risque,
la part d'incertitude". "S'il
n'avait pas été aussi intelligent, aussi drôle, je ne serais jamais
partie avec lui où que ce soit. Son humour était dévastateur. Le rire
était son atout maître."
Ce que dit Peter Flemming dans Courrier de
Tartarieet Ella
Maillart
"Suivant
toutes les traditions des romans d'aventure, nous aurions dû nous
éprendre follement l'un de l'autre, et selon la loi de la nature humaine,
il aurait été normal que nous nous mettions mutuellement les nerfs à
vif. A la vérité, ces deux écueils furent évités, et nous passâmes
au large de ces deux perspectives aussi gênantes l'une que l'autre."
"Comment
veux-tu que je tombe amoureux d'un type qui, au fond de l'Asie Centrale,
râle tous les matins parce qu'il n'a pas son Times à lire?"
"Pendant
les sept mois que nous avions passés ensemble, je m'étais tellement
habitué à considérer Kini comme mon égale en la plupart des choses, et
comme supérieure à moi pour certaines que je n'ai peut-être pas assez
rendu hommage (entre autres) à ses facultés d'endurance."
"Nous
étions jeunes, aventureux, chanceux, nous aimions rire, jouer la
comédie. la vie au grand air nous convenait parfaitement car nous étions
très sportifs l'un et l'autre."
"Nous
étions tous deux fatigués et légèrement énervés par les longues
journées passées sous le soleil, soumis à un régime de thé et de
pain, et Kini me fit part de son désir de prolonger le séjour de
Yarkand, et de s'y reposer. Mais je savais Kashgar proche; j'étais -
selon mon habitude - trop impatient pour me rendre à la raison, et avec
un parfait manque d'égards, je m'opposai à son vœu. Elle me confia plus
tard que de toute la durée du voyage, ce fut l'unique fois où je
l'exaspérai véritablement."
"Un
jour, épuisée par la manque de sommeil, j'ai refusé de partir pour
pouvoir dormir. "D'accord, m'a-t-il dit, je pars devant. Tu me
rejoins comme tu peux!" Tu imagines ma tête, au milieu du
désert?"
Ce
que dit Nicolas Bouvier d'Oasis
interdites "En
janvier 1935, l'auteur quitte Péking en direction de l'intérieur avec
son compagnon Peter Fleming, correspondant du "Times", avec
lequel elle vient de faire le Mandchoukouo. Fleming est un bon fusil et un
homme d'esprit, il sait un peu de chinois et très bien l'art difficile de
circonvenir les fonctionnaires provinciaux. Ella Maillart connaît la vie
caravanière pour l'avoir vécue en Turkestan soviétique, parle assez
bien le russe et peut apprêter sur un feu de broussailles n'importe quel
gibier de poil ou de plume. Tous deux sont de fortes têtes, accoutumés
à se débrouiller seuls et qui renâclent par moment contre la
dépendance réciproque dans laquelle leur association les a placés; mais
le projet qu'ils ont formé a plus de chance de réussir à deux.
"Il
s'agit de traverser la Chine d'Est en Ouest, d'atteindre les oasis
"interdites" du Sinkiang, berceau voici mille ans d'une
vieille culture d'origine iranienne, et de là de gagner le Cachemire,
sur l'autre versant du monde, par les cols muletiers du Pamir et du
Karakoran. Clandestinement, car le Turkestan chinois dont la population
est en majorité musulmane est en plein soulèvement."
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