MAÎTRE ECKHART

Ou Dieu dans l’Unité pure

 

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Maître Eckhart - Le procès de l'Un, par Hervé Pasqua, CERF, 2006
Collection « La Nuit surveillée » - http://www.editionsducerf.fr/

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Hervé Pasqua
[ Né en 1947]
Hervé Pasqua effectue des recherches sur le néoplatonisme dans le cadre d'une vaste réflexion sur le rapport entre l'Un et l'Être. Ses études visent à dégager la perspective d'un Être qui, au-delà de toute ontothéologie réduisant l'Être à l'étant, tiendrait le rôle que joue l'Un dans la pensée d'inspiration néoplatonicienne. Invité à plusieurs universités en France et à l'étranger, Hervé Pasqua a enseigné à l'Université de Bourgogne. Il est directeur de l'Institut Catholique de Rennes.
 

FRANCE CULTURE
VENDREDI 16 SEPTEMBRE 2005
9h10 - 10h00    LES VENDREDIS DE LA PHILOSOPHIE, par Raphaël Enthoven
L'art du détachement
Lecture du Traité du détachement de Maître Eckhart
Avec Benoît Beyer de Ryke, historien et philosophe, assistant à l'Université
libre de Bruxelles (ULB), auteur notamment de Maître Eckhart (Entrelacs)
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/vendredis/

 

DIMANCHE 12 FÉVRIER 2006

20:30 - 21:58  UNE VIE, UNE ŒUVRE

par Benoît Beyer de Ryke

réalisation : Isabelle Yhuel

 

Henri Suso (vers 1295/97–1366) ou le Serviteur de la Sagesse éternelle

 

Avec Tauler, Suso est le principal disciple de Maître Eckhart. Des trois grands mystiques rhénans de l’école dominicaine allemande du XIVe siècle, c’est le seul à avoir été proclamé bienheureux, tardivement il est vrai, puisqu’il fallut attendre 1831.

 

Suso se distingue aussi par l’attention qu’il porte aux images et par sa volonté d’imiter le Christ souffrant. Enfin, de tous les mystiques rhénans, c’est celui dont la vie nous est la mieux connue, grâce à son autobiographie, rédigée avec l’aide de sa « fille spirituelle » Elsbet Stagel. Né vers 1295/97, à Constance ou dans ses environs, un 21 mars, jour de la fête de saint Benoît, il est mort le 25 janvier 1366 à Ulm, où il a été enterré dans l’église des frères prêcheurs. C’est par vénération pour sa mère que le jeune Heinrich von Berg choisit de porter son nom de jeune fille, Sus latinisé en Suso. Entré chez les dominicains de Constance dès l’âge de 13 ans, il connaît ses premières expériences mystiques à 18 ans et s’inflige pendant plus de 20 ans de terribles mortifications, jusqu’à ce que, voyant un chien jouer avec un morceau d’étoffe, il comprenne qu’il faut accepter les épreuves qui viennent de l’extérieur plutôt que de se les infliger volontairement. Après avoir suivi l’enseignement de Maître Eckhart à Strasbourg et à Cologne, il assiste avec douleur au début de son procès et revient vers 1327 à Constance pour y être professeur au sein du studium dominicain. C’est à cette époque qu’il rédige le Petit Livre de la Vérité, ouvrage d’inspiration eckhartienne, qui lui vaut presque aussitôt des ennuis avec les autorités de son ordre. Spéculatif et mystique, plus accessible que son maître, Eckhart, mais aussi un peu rebutant en raison de son dolorisme, ce Serviteur de la Sagesse éternelle – comme il aimait à s’appeler – est un témoin exemplaire de la spiritualité chrétienne de la fin du Moyen Age.

 

Avec Monique Gruber, membre de l’Équipe de Recherche sur les Mystiques Rhénans, qui prépare une thèse sur le rapport texte-image chez Suso ; Ruedi Imbach, professeur de philosophie médiévale à l’université de Paris IV-Sorbonne ; Gwendoline Jarczyk et Pierre-Jean Labarrière, enseignants aux facultés jésuites du Centre Sèvres à Paris et traducteurs du Petit Livre de la Vérité de Suso ; Marie-Anne Vannier, professeur de théologie à l’université de Metz et directrice de l’Équipe de Recherche sur les Mystiques Rhénans ; Wolfgang Wackernagel, philosophe et traducteur du Sicut Aquila de Suso.

 

MYSTIQUE

La passion de l'Un

P. Fabien Deleclos

Mis en ligne le 24/02/2006

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Les philosophies modernes s'y intéressent comme lieu de connaissance de l'Absolu

Il y a deux ans, l'historien et philosophe Benoît Beyer de Ryke (ULB) publiait un important ouvrage consacré à Eckhart (1), célèbre dominicain et théologien mystique allemand. Ce qui lui vaut, aujourd'hui, le prix quinquennal Henri Davignon. La même année, l'inlassable chercheur organisait un colloque, à Bruxelles, sur le thème «Mystique: la passion de l'Un, de l'Antiquité à nos jours». Il en élargissait l'audience par la publication des actes, en collaboration avec une vingtaine d'autres spécialistes. D'emblée, le concepteur note que notre monde est marqué par un indéniable «retour du religieux», qui s'exprime à la fois par un réveil identitaire d'un côté, et le besoin de sens, de l'autre. Il y a, en effet, depuis quelques années, une véritable demande de spiritualité. Ce qui n'est pas synonyme ni signe d'un mouvement de retour vers les religions traditionnelles. Encore faut-il ne pas confondre mystique avec «une forme de sentimentalité intuitive et irrationnelle». Ici, elle est considérée comme la recherche d'une union intime entre l'être humain et Dieu, pour les uns, ou avec le Premier Principe, pour les autres. Le mot lui-même a d'ailleurs connu une profonde évolution.

NÉOPLATONISME

Évoquer «la mystique de l'Un», c'est d'abord s'en référer au néoplatonisme, pour qui «tout émane de l'Un, principe inconditionnel, au-delà de l'être». Ainsi, l'âme individuelle, émanation de l'Ame universelle, rejoint sa source par une sorte d' «expérience intérieure», qui s'exprime, notamment, par «l'extase», c'est-à-dire la fusion dans l'Un absolu. Très tôt, ce courant philosophique sera christianisé (2). Ainsi, au temps des Pères de l'Église, le terme renvoie au sens caché, visé par le Christ. Et même au sens caché des sacrements, pour s'étendre plus tard à l'expérience du Dieu caché. Il y a donc eu une profonde évolution. Mais, jusqu'au XVIIe siècle, le mot exprimera une expérience religieuse individuelle. Chaque âme étant une émanation de l'Ame universelle. Autrement dit, «une part que l'on pourrait qualifier de divine». Et comment atteindre l'Un, sinon dans la «simplicité du regard» et en se détachant du «monde multiple» ?

Après des considérations générales sur l'expérience mystique, dont les techniques de méditation, la plus grande partie de cet ouvrage est consacré à la mystique en Occident, de l'Antiquité à l'époque contemporaine, en passant notamment par Maître Eckhart... et Nicolas de Cues, qui présente «le sommet de la contemplation...» Plus tard, Thérèse d'Avila et Jean de la Croix évoqueront l'expérience mystique où se confondent douleur et douceur, comble de la présence ou de l'absence. Tandis qu'aujourd'hui resurgit la réclamation d'une face féminine de Dieu, qui n'a cessé de faire retour à travers les siècles.

Quant à la troisième partie, elle présente les perspectives comparatives avec l'islam, l'Inde et la Chine. On y découvre l'ampleur du fossé qui sépare l'Est et l'Ouest. Ce qui n'exclut certes pas des points de convergence, ici évoqués à partir du Taoïsme et sa «recherche de l'aliment d'immortalité».

(1)«Maître Eckhart», Ed. Entrelacs 2004, 302 pp., env. 18 €

(2) Cf. la trilogie du «Dieu des mystiques», col. Théologies, Charles-André Bernard, sj, complétée par un ouvrage posthume: «Théologie mystique», Ed. du Cerf., 369 pp., 40 €

© La Libre Belgique 2006

Cet article provient de http://www.lalibre.be