"En vis-à-vis de son lit, une
gravure de son grand-père [le sculpteur Pierre Roche] représentant un
pèlerin des astres sur sa route de nuées, marchant vers le soleil:
promesse d'éternité ou métaphore de sa quête intellectuelle de physicien?
Il avait été ce marcheur d'absolu sur sa traînée d'étoiles, au coeur de
l'atome. Aller à la source de des choses, au coeur de la matière, pour lui
faire rendre raison de ses secrets..." Bérengère Massignon, 12 janvier
2001 Daniel Massignon est mort le 25 décembre 2000,
à Paris.
Lecteur
attentif de ma thèse consacrée à Louis Massignon, il annotait
scrupuleusement les pages que je lui adressais, les assortissant
d'informations précieuses sur la vie de son père qu'il était le seul à
pouvoir fournir : "J'ai commencé, m'écrivait-il le 17 mars 1989, à
dépouiller systématiquement sur mon petit ordinateur les carnets
quotidiens de mon père, en faisant la liste de ses voyages et de ses
rencontres. J'ai pu jusqu'ici couvrir la période 1908-1921, ce qui va me
permettre de répondre à certaines de vos questions et m'aider à commenter
vos manuscrits."
On trouvera ici un exemple de ces
commentaires :
"L.Bloy, L. Massignon
et la question Louis XVII. - C'est, aussi, bien davantage sous
l'influence de Huysmans que Louis Massignon s'est intéressé à Louis XVII
et à Naundorff.
L.Massignon tenait
directement de Mme Geneviève Favre-Maritain, mère de Jacques Maritain et
fille du grand avocat républicain Jules Favre, l'histoire étonnante contée
par la suite par Villiers de l'Isle-Adam (Le droit du passé, in
Derniers contes, Mercure de France, Paris, 1921, pp.318-329): la
capitulation de la France en 1871 à Versailles devant Bismarck a été
scellée du sceau de Louis XVI, donné par Naundorff - "descendant de Louis
XVII" à l'avocat Jules Favre qui l'avait assisté dans son procès contre
les Bourbons."
Chacune de ses lettres se terminait par un
mot manuscrit d'encouragement et d'amitié.
Le 4 septembre 1990, après
le Colloque Louis Massignon de Cerisy-la-Salle, auquel il n'avait pu
participé, parce que malade, il m'écrivait : "D'après P.R., votre colloque
a été un vrai succès: permettez-moi de vous en féliciter. Il paraît qu'en
raison de l'intérêt des discussions, vos invités n'ont pas eu une minute
pour faire un tour dans le parc et vous avez même conquis certains
auditeurs du colloque concurrent. Les interventions de Maurice de
Gandillac et de Théodore Monod ont dû être très intéressantes, car ils ont
bien connu mon père: j'aurais tant aimé pouvoir parler avec eux."
A propos de son père, il me
disait : "Ses engagements politiques ont toujours été "pour la justice",
pas toujours pour les musulmans. Ex. les parlementaires Malgaches qu'il a
fait libérer étaient chrétiens. En 1935-39, il a multiplié les
interventions quotidiennes en faveur d'évadés de camps de concentration et
de victimes d'Hitler, catholiques ou juifs (il a obtenu des dizaines
d'autorisations d'immigration en Palestine, hors "quota". Il est intervenu
aussi au Canada en faveur des Acadiens (catholiques)..." et encore : "Par
fidélité au Père de Foucauld, L.M. a cherché à expliquer le point de vue
du Père. Cette fidélité l'a amené à exposer les idées du Père et
non les siennes à ce moment. (...) Bien avant 1917, son respect de
l'autre le poussait plus à écouter qu'à vouloir transformer, ses écrits le
montrent" (6 avril 1990).
Daniel Massignon était un
homme généreux.
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