TÉMOIGNAGE SUR HENRY CORBIN

"Un homme "ressuscité" avant d'aborder l'autre rive"

SOMMAIRE

Hommage

Bibliographie

Aspects biographiques

Point de vue sur René Guénon

Témoignages sur Louis Massignon

*

Retour à Marie Madeleine Davy

 

 

Henry Corbin

*

Retour à Témoignages sur Henry Corbin

*

La chronique de Marie-Madeleine Davy, in Question de, n°111, Albin-Michel, 1997

M.-M Davy, Henry et Stella Corbin, Session Eranos, Ascona (Suisse)

©Archives départementales des Deux-Sèvres

"Louis Massignon fut un « homme de Feu - et Henry Corbin un « homme de Lumière », écrit Jean Moncelon dans un article chaleureux. « Entre les deux orientalistes - le Feu et la Lumière - l'amitié fut dictée [...] par une compréhension profonde de leurs vocations respectives. » Pour ceux qui ont eu la joie de connaître Henry Corbin et d'éprouver pour lui une grande amitié, le qualificatif « d'homme de Lumière » lui convient parfaitement.

            Massignon se consacra à l'étude d'Hallâj et Henry Corbin à Sohravardî. Des divergences fondamentales séparent ces deux savants. Tout d'abord leurs religions: Massignon redevint catholique, Corbin opta pour le protestantisme. On pourrait encore mentionner la différence de leurs tempéraments respectifs particulièrement signifiante.

            Dans son article, Jean Moncelon cite un texte de Jacques Mercanton disant à propos de Massignon: « Dans son grand âge, cet homme passionné, d'une humilité bouleversante, avait gardé cette fierté dans l'attitude et dans les yeux [...] un signe de jeunesse [...]  jeunesse éternelle du Dieu qu'elle respire. » En 1928, Corbin fut l'élève de Massignon à la Section des Sciences religieuses de l'École pratique des Hautes Études. Il signala les « intuitions » fulgurantes dont le grand mystique Massignon était prodigue ».

            Henry Corbin et Massignon se rencontrèrent lors de conférences données à Ascona. Entre 1954 et 1962, ils se virent souvent et s'estimèrent. Henry Corbin enseigna à l'École des Hautes Études de 1954 à 1974. Après sa retraite, suivant la coutume, il prolongea ses cours grâce à des conférences.

            Lors du décès de Massignon, Henry Corbin organisa à Téhéran un hommage solennel et écrivit un article nécrologique qui parut en 1963-1964 dans l'Annuaire de l'École des Hautes Études.  En 1978, il notera : « on n'échappait pas à son influence. Son âme de feu, sa pénétration intrépide dans les arcanes de la vie mystique en Islam, où nul n'avait encore pénétré de cette façon la noblesse de ses indignations devant les lâchetés de ce monde, tout cela marquait inévitablement de son empreinte l'esprit des jeunes auditeurs. »

            La singularité de leurs approches différentes de l'islam s'exprima fréquemment. Il conviendrait de retenir leurs appréciations distinctes relatives à la Terre, l'Ange et la Femme. Corbin se montrait infiniment plus libre avec davantage d'ouverture.

            La géographie spirituelle tient un rôle éminent dans la pensée d'Henry Corbin. Très justement, Jean Moncelon retient le « mundus imaginalis [...] la Terre des visions [...] le monde où "ont lieu" les événements spirituels réels ». Ceux-ci échappent à la condition historique. « Henry Corbin fut essentiellement un chevalier, et Louis Massignon, un preux (en arabe, fatâ, comme le Coran, le dit d’Abraham), un homme de l'éternelle jeunesse de l’Amour. »