Le Paradis des Loutres "- Personne ne peut arriver jusqu'ici, dit
Manuel à Alejandro en lui montrant un immense glacier qui fermait le canal. Si un être
humain est un jour parvenu ici, tu peux être sûr qu'il n'est pas allé plus loin, parce
qu'il a cru que ce canal s'arrêtait au glacier. Mais tu vas découvrir le secret un peu
plus loin. (...)
La flottille des cinq canoës yaghan arrivait devant une muraille de
glace qui semblait fermer le tortueux canal. (...)
Il donna un ordre en yaghan et la flottille s'approcha du bord de la
muraille de glace qui semblait collée à la montagne, mais ce n'était qu'une illusion,
car à la file les canoës s'enfoncèrent dans un passage minuscule qui s'ouvrait entre
roche et glace.
- Personne ne se risque jusqu'ici, dit Manuel
Les canoës s'infiltrèrent lentement dans ce boyau et
débouchèrent sur une mer intérieure d'une extraordinaire beauté. D'un côté le
glacier remontait à l'intérieur des terres, de l'autre les flancs de la montagnes
étaient couverts de hêtraies.
- Cette zone est protégée des vents et le climat est plus doux. Il
y a des loutres et une rivière où on trouve de l'or. On chasse quand on en a besoin et
on cherche de l'or pour acheter des vivres tous les six mois à un colon de la péninsule
Pasteur. Comme ça, personne ne soupçonne nos richesses et le Paradis des Loutres reste
un secret. Et toi tu dois garder le secret pour que notre tribu continue de vivre en
paix."
Francisco Coloane, Le dernier mousse, 1977
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