GERMAINE CLARETIE

Retour à Novalis - A propos de Novalis - L'oeuvre de Novalis

 

Voir aussi Maurice Maeterlinck : "Il est peu d'oeuvres plus mystérieuses, plus sereines..."

 

 

Journal intime, suivi des Hymnes à la Nuit et de Maximes inédites, traduction par Germaine Claretie, Stock, 1927

         « Si quelque être d'un autre monde descendait parmi nous et nous demandait les fleurs suprêmes de notre âme, les titres de noblesse de la terre, que lui donnerions-nous ? » demande Maurice Maeterlinck dans son inoubliable Introduction aux Disciples à Saïs, de Novalis.

            Et il n'hésite pas à répondre que nous mènerions l'envoyé divin parmi ceux  « dont les oeuvres touchent presque au silence», ceux qui, au risque de se perdre, sont montés « jusqu'à ces hauts plateaux solitaires où la conscience s'élève d'un degré, et où tous les esprits qui ont l'inquiétude d'eux-mêmes rôdent attentivement autour de l'anneau monstrueux qui relie le monde apparent à nos mondes supérieurs... »

            « Novalis est un de ces esprits inquiets, audacieux, anormaux peut-être, que la simple raison philosophique ne saurait satisfaire. Sa pensée spontanément mystique semble être, par instants, l’annonciatrice d’un entendement supérieur auquel nous sommes tous destinés. Ses vues pénétrantes et inattendues coïncident avec ce que chacun de nous a vécu sous forme de vagues pressentiments.

            C'est encore Maeterlinck qui compare cette pensée mystique « aux yeux de l'enfant qui regarde la montagne ou la mer », tandis que la pensée positive n'est jamais, à son dire, que l'oeil mort de l'aveugle.

          Et toute une génération à qui Maeterlinck a révélé Novalis garde le souvenir de cette traduction des Disciples à Saïs, suivis de Fragments. Petit livre aujourd'hui presque introuvable, qui fut pour beaucoup d'entre nous un livre de chevet. Le mysticisme s'y découvrait sous une forme séduisante entre toutes, paisible, souriante, harmonieuse, libérée de toute doctrine et de tout préjugé, ignorante de toute intransigeance, pénétrée réellement de la plus pure lumière de l'intelligence.  Car quelque chose de la sérénité de Goethe planait sur l'esprit de Frédéric von Hardenberg, qui connut d'ailleurs et admira le sage de Weimar. Quelque chose aussi de son esprit éclectique et synthétique. Novalis rêvait d'une science globale - et universelle, qui serait en même temps une religion, et dont Goethe, disait-il, « serait le hiérophante ».

          Certes, peu d'êtres se sont élevés, en quelques années de vie trop brève, au pur rayonnement qu'atteignit Novalis. Comme devant les toiles de Raphaël, on éprouve, à certaines paroles de ce poète, le contact d'une réalité divine. Il est impossible de parler de lui sans une sorte d'émotion religieuse. Les inégalités de sa pensée, les erreurs qu'il put commettre, dans sa hâte à embrasser - avant de mourir - le complet horizon des connaissances humaines, tous ces défauts s'évanouissent à la lumière de sa personnalité unique. « Il sut, dit Maeterlinck, donner des vêtements mystiques à un certain nombre des choses de la terre, et ces vêtements sont les plus calmes, les plus spontanés et les plus virginaux que l'on puisse rencontrer. Il sourit aux choses avec une indifférence très douce, et regarde le monde avec la curiosité inattentive d'un ange inoccupé et distrait par de longs souvenirs... »

 

Voir sa traduction du 3ème Hymne