
Il
fut un temps où la pierre était pierre,
Chaque visage dans la rue un
visage parfait.
Entre Dieu, la Chose et moi-même
L'harmonie régnait aussitôt.
Tu as changé mon univers et la
trinité s'est perdue :
La pierre n'est plus la pierre,
Comme aux figures surgies d'un
rêve, il manque quelque chose à chaque visage,
Tant que sur le visage imparfait
d'un enfant
Je n'ai pas reconnu ton visage
d'exilé.
Le soldat gravit l'escalier
lumineux où ton ombre se perd.
Cette nuit, la chambre éclatée
dormira
Dans un brasier d'étoiles que tu
fais se lever. Quand nous
sommes perdus, quelle image invoquer?
Néant égal néant. Mais néant
N'est pas vide. Il préfigure
l'Enfer :
De ces heures épiées dans les
journées d'hiver, étoiles maléfiques,
Demandant qu'on les meuble. Toutes
séparées,
L'air entre elles.
Terreur. Vient-elle du Temps? de
l'Espace?
De l'imposture des deux notions
qui se confondent?
Pour qui est perdu, ruine parmi
les ruines qu'il s'impose,
Toute absence d'air (imposture là
encore, peut-être)
Est angoisse immobile. Cependant
que le temps,
Imbécile éternel, traverse le
monde en hurlant.
Traduction Jacques
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