"Découvrir les
merveilles naturelles de la Patagonie en omettant les hommes qui la
peuplent revient à manquer une partie de son trésor. Mes montures m'ont permis
d'être reçu comme rarement je le fus, et les portes qui ne sont ici
jamais fermées au visiteur s'ouvrir plus grandes encore. L'étranger qui
affronte le désert et son vent incessant trouve toujours un accueil à la
mesure de l'immensité de la steppe où il a chevauché. Et il est bon,
quand tombe le soir après l'isolement du jour, d'atteindre l'estancia
où, sans même connaître le maître des lieux, on peut déjà se
réjouir à l'idée de partager avec lui maté réconfortant et l'asado
si délicieux."
A propos des Patagons
"Les Indiens de Patagonie et de Terre
de Feu vivaient dans une certaine tranquillité jusqu'à l'arrivée des
Blancs ; ils ne subissaient alors que les assauts du vent et des
tempêtes. Quand Magellan entre dans le détroit en 1520, il ignore qu'il
sonne le glas des quelques milliers de Yámana et d'Alakaluf qui peuplent
alors les rives de cette région inconnue. Dans son sillage suivront,
quelques siècles plus tard, aventuriers de bas étage, chercheurs d'or et
chasseurs de peaux, qui ne s'embarrasseront pas de sentiments face à ces
créatures que Darwin lui-même décrivait en ces termes : "Ces malheureux
sauvages ont la taille rabougrie, le visage hideux, couvert de peinture
blanche, la peau sale et graisseuse, les cheveux mêlés, la voix
discordantes et les geste violents." Les navires qui empruntaient le
détroit détournèrent de leurs occupations ancestrales ceux qui
devinrent alors les clochards de la mer, allant mendier ou recevant un peu
d'alcool contre plusieurs danses et singeries, et attrapant les maladies vénériennes
que les matelots transmettaient à leurs femmes prétendument
"hideuses". Les missionnaires, armés de leur seule intention
d'évangéliser quelques âmes de plus, causèrent sans le vouloir la
perte des Yámana, qui ne supportèrent pas d'être parqués dans les
missions et se laissèrent mourir lentement. Les Tehuelche et les Ona
tombèrent le plus souvent sous les balles des éleveurs. De tous ces
peuples, il ne reste aujourd'hui qu'une dizaine d'Alakaluf, à Puerto
Eden..." L'ouvrage a été publié
aux éditions Transboréal
en novembre 1999 |