Les Royaumes de Borée

Jean Raspail, 2003

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"Mon amie, ce soir les tribus se sont encore approchées. On a repéré des petits hommes jaunes enveloppés de fourrures et fredonnant de leurs voix de gorge des mélopées lancinantes. Peut-être les Ostiaks, les Oumiâtes. Du poste avancé au nord de la frontière, on les entend..." Voir Ce qu'il faut penser des Oumiâtes.

Jean Raspail a franchi à maintes reprises la frontière qui sépare la géographie terrestre des territoires du rêve. De Septentrion à Qui se souvient des hommes, il a parcouru cette frange à peine accessible de notre géographie physique. Mais jamais il n'était allé aussi loin, aux limites cette fois des territoires du rêve eux-mêmes, franchissant une ultime frontière, à peine visible, au-delà que laquelle il y a la mort, la mort du dernier rêve avec la mort de l'improbable dernière créature qui le peuplait. Pourtant, cette mort apparaît aussi, aux dernières pages de l'ouvrage, comme "la nuit inconsciente et douce", qui est le seuil d'une autre géographie : hyperboréenne. Mais c'est une autre histoire. Les Royaumes de Borée résonnent comme un adieu. L'adieu du rêve à la vie.

     "Imaginez une frontière aux confins septentrionaux de l'Europe. Elle court au nord et à l'est sur quelque quatre cent soixante-dix lieues, traverse d'interminables forêts, des plaines spongieuses semée de lacs couleur de plomb. Elle enjambe des marécages et des rivières torrentueuses roulant vers des destinations incertaine. Au-delà s'étend la Borée, une contrée dont on ne sait rien sinon qu'elle est le royaume d'un petit homme couleur d'écorce qui manie l'arc et le javelot mais que nul n'a jamais approché. Qui est-il? Quel est son nom? Quelle est sa destinée sur cette terre?

      Au héros de cette histoire, il aura fallu, du XVIIe à nos jours, plus de trois siècles d'aventures, de poursuites et de rêves, pour atteindre les mystérieuses réponses à ces questions qui ne l'étaient pas moins. Leur quête a été la mienne. Elle a donné un sens à nos vies, mais c'est du petit bonhomme au javelot, survivant d'un monde révolu, que surgira l'ultime lumière, juste avant qu'elle ne s'éteigne."

Jean Raspail

"C'était un petit homme mince et brun, aux paupières bridées, laissant à peine filtrer le regard, vêtu et chaussé de peaux, coiffé d'un bonnet de fourrure pointu aux revers rabattus jusqu'au menton, un arc passé autour de son corps et un carquois ficelé à son dos, et qui se penchait vers lui en prononçant quelques mots dans une langue incompréhensible qui ne rappelait rien de connu. Alors l'officier s'éveilla et se demanda s'il avait rêvé..."