VIE D'ADALBERT STIFTER

"La science de l'âme n'a pas tout éclairé ni tout expliqué, bien des choses lui sont restées étrangères et obscures. Aussi, n'est-il pas exagéré de dire qu'il existe encore un abîme infini et serein où rodent Dieu et les esprits. L'âme, dans ses instants de ravissement, le survole souvent, la poésie parfois le dévoile d'un innocent geste d'enfant, mais les instruments de mesure de la science ne pourront jamais prétendre y avoir abordé, ni même seulement y avoir mis la main" 

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" Quand un très vieil homme se retrouve debout sur une montagne d'actions diverses, à quoi cela lui sert-il? J'ai fait beaucoup de choses diverses, qu'est-ce que j'en ai de plus? Tout s'effondre dès l'instant que vous n'avez pas créé une existence qui continue par-delà la tombe : celui qu'en son âge assiste fils, petits-enfants et arrière-petits-enfants, celui-là souvent vivra mille ans. Et quand il s'en est allé, elle continue semblable à elle-même après la mort : elle se perpétue si bien que personne ne remarque qu'avec lui une petite parcelle de cette vie est passée de l'autre côté pour ne plus revenir. Mais avec ma mort, ce sera la ruine de tout ce que j'ai été en tant que personne... Voilà pourquoi tu dois te marier, Victor, et te marier très jeune. Voilà aussi pourquoi il te faut de l'air et de l'espace pour remuer tes membres."

  • Naissance en 1805 d'Adalbert Stifter à Oberplan (Horni Plana), en Bohême méridionale.

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  • Son père meurt accidentellement en 1817. L'année suivante, il commence ses études à l'abbaye bénédictine de Kremsmünster. Il entre en 1824 à l'Université, à Wien. En 1827, il s'éprend de Fanny Greipl, mais "le mariage que Stifter avait espéré, échoue, à cause de l'opposition des parents de Fanny, peu soucieux de confier leur fille à un étudiant sans fortune et apparemment sans avenir..." En 1832, il rencontre Amalia Mohaupt, qu'il épouse en 1837.

  • Jusqu'en 1840, Stifter reste partagé entre deux vocations : la peinture et la littérature.

  • La publication de sa première nouvelle Der Kondor le rend célèbre. Pendant huit ans, il vivra de sa plume et de leçons particulières. En 1841 paraissent Die Mappe meines Urgrossvaters.

  • Après les troubles révolutionnaires de 1848, il est nommé, en 1850, Inspecteur des écoles primaires de Haute-Autriche. Paraissent en 1852 Bunte Steine (Pierres multicolores) et en 1857, son chef d'œuvre : Der Nachsommer.

"Bien des choses dont tu ne comprends ni le but ni la fin peuvent te paraître rudes. Il n'y a rien d'étrange dans ma conduite, elle est au contraire claire et nette. Je voulais te voir parce qu'un jour tu vas hériter de mon argent et je voulais t'observer. Personne ne m'a donné d'enfant parce que tous les parents gardent les leurs pour eux ; quand une personne que je connaissais bien est morte, je suis allé habiter ailleurs et finalement je suis entré dans cette île dont j'ai acquis le sol et les terrains, avec la bâtisse qui servait jadis de tribunal aux moines ; je voulais laisser pousser l'herbe et les arbres sans les tailler, pour m'y promener. Je voulais te voir. Je voulais voir tes yeux, tes cheveux, tes membres, je voulais voir comment tu es, te voir avec les yeux d'un père. C'est pourquoi il me fallait t'avoir seul et te retenir. S'ils avaient continué à t'écrire, eux, ils t'auraient maintenu dans la même affection douceâtre que par le passé. Il me fallait te mener au soleil et au grand air, je craignais que tu ne sois une nature molle comme ton père, inconsistant comme lui, au point de trahir ce que tu crois aimer. Certes tu es à présent plus vigoureux que lui, tu sais te servir de tes armes comme un jeune oiseau de proie ; c'est très bien, je t'en fais compliment : cependant tu ne devrais pas exercer ton cœur auprès de femmes tremblantes mais sur des rocs, et moi je suis un roc, pas autre chose. Il me fallait te retenir ici. Qui ne sait pas de temps à autre lancer le bloc de granit de l'action violente, celui-là ne sait pas non plus aider et porter secours du fond de l'âme. Il t'arrive de montrer les dents et pourtant tu as bon cœur. Cela est bien." L'homme sans postérité.

  • Stifter prend sa retraite en 1865. Gravement malade, Stifter meurt à Linz, en 1868, après s'être tranché la gorge.

"A la mort de Stifter le chœur, pour ses obsèques, fut dirigé par un homme d'une certaine manière « sans histoire » tout comme lui : Anton Bruckner, le grand compositeur moderne alors titulaire de l'orgue de la cathédrale de Linz, et qui ne pensait tellement être un Artiste, mais bien plutôt accomplir un honnête travail et un office religieux"

Claudio Magris, Danube.