UN POETE DANS LA RESISTANCE

> Bibliographie établie par Charles Le Brun

 

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United States Office of War Information (1945)

1939

Le 31 octobre 1939, à Paris, il épouse "Pérégrine" avec qui il vit depuis quelques années. Ils vivent 12, rue Lalande, dans le XIVème arrondissement. Cette même année 1939, Guerne cherche à s'engager dans l'armée française mais est déclaré inapte à cause d'une triple fracture du bassin contractée à l'âge de quinze ans. Il entreprend alors de faire des causeries antipétainistes auxquelles assiste, entre autres, le professeur Masson-Oursel.

1941

Guerne commence un "Journal". On y lit qu'il n'obtint pas la subvention nécessaire à la traduction des œuvres de Paracelse (refus du ministre de la culture d'alors : Jérôme Carcopino) malgré le soutien de Gaston Bachelard et du professeur Bréhier.

Dans Paris, actes de sabotage personnels contre l'armée allemande. Il incendie notamment des camions près de la Bibliothèque Nationale. Parallèlement, il est porteur de colis sur remorque (à bicyclette) à S.V.P. pour protester contre les écrivains qui prêtent leur plume aux Allemands. Le dramaturge Daniel Mauroc racontera dans un témoignage que, transporté par un vélo-taxi, il eut pendant le trajet une insolite conversation sur la poésie avec le pédaleur qui n'était autre qu'Armel Guerne ! Il pratique aussi, pendant quelques mois, le métier de déménageur.

1942

Décembre  : Guerne et sa femme entrent dans la Résistance. D'abord dans le réseau CARTE d'André Girard (le publiciste, père de Danielle Delorme) par l'intermédiaire de Germaine Tambour (secrétaire d'A. Girard) ; mais, peu de jours après, ils rencontrent au Hot Club de France où il donne des cours de maniement d'armes à la barbe des Allemands, le chef du grand réseau "PROSPER", Francis Suttil, qui les engage aussitôt. Guerne devient alors "Gaspard" (son pseudo ou field name). Le docteur Frétigny fournit des certificats aux membres de l'organisation. PROSPER est l'un des 95 réseaux mis sur pied en France par les Britanniques et plus connus sous le nom de French Section. Beaucoup d'autres sections couvriront l'Europe. L'ensemble de ces organisations fondées par Churchill en juillet 1940 se nomme le SOE (Special Operations Executive). Armel et Pérégrine deviendront les intimes de Suttil qui fera d'Armel son second dans le réseau. Il a évidemment cessé tout travail littéraire.

1943

le 1er juillet, à 14h40, à la sortie du restaurant "Chez Tutulle", rue Troyon (XVIème arrondissement), Guerne et sa femme sont arrêtés par la Gestapo, ainsi que Mr et Mme Touret, les patrons du restaurant, et Jean Worms "Robin", du réseau JUGGLER, qui prenait son repas avec eux. Ils sont aussitôt internés à la prison de Fresnes. Guerne y passera "environ 4 mois" (Cf. son témoignage in The Prosper Double Cross  de John Vader, Sunrise Press, Australie, 1977) dans la cellule 311, au grand secret, avant d'être transféré, vers le 10 novembre 1943, au camp de triage et de transit de Royalieu (périphérie de Compiègne).

1944

17 janvier, départ de Compiègne, par train spécial, en direction du camp de concentration de Buchenwald (sur la liste d'appel du camp, à côté du nom de Guerne, figure la mention suivante : «A surveiller spécialement : assistance aux Anglais» (témoignage d'un membre du sous-réseau Gaspard III, Marcel Godfrin, originaire de Muno, Ardennes). Tout près d'Amagne-Lucky (Ardennes françaises, non loin de Rethel), Guerne saute du train et réalise une évasion peu ordinaire. Il revient quelques jours après à Paris, déguisé en cheminot. Pendant deux mois, il se cache chez le libraire belge Albert Nizet dont le magasin est alors situé rue Dauphine, dans le VIème arrondissement. Il y devient, par sécurité, "Monsieur Planche". En mars 44, il prend contact avec une filière d'évasion britannique du MI-9 (Military Intelligence 9), la "ligne Bourgogne". Georges Broussine, dit "Bourgogne" la dirige. (Après la guerre, Guerne apportant aux éditions Sorlot une traduction de Paracelse, aura la surprise d'y trouver Broussine, momentanément engagé dans cette maison dont le patron a été soupçonné de collaboration). Guerne obtient alors de convoyer vers l'Espagne une dizaine d'aviateurs alliés tombés en territoire occupé.

Pampelune, 30 mars. En avril, séjour en résidence surveillée à Leiza (Navarre). Libéré par les Espagnols fin avril, il passe 6 jours à l'ambassade de G.B. de Madrid. Puis il gagne Gibraltar d'où il repart, presque aussitôt, début mai, pour l'Angleterre, en avion spécial. A Londres, il est interné pendant près de 6 mois. Tout d'abord au centre d'interrogation de Patriotic School où il entre le 13 mai ; puis on l'expédie sans explication à Oratory School le 24 juin (camp spécial et secret dit "camp 001", non officiel évidemment et dont l'existence ne sera révélée que bien des années après la fin des hostilités). Il ne recouvre la liberté que le 27 octobre, grâce à l'intervention de l'ambassade suisse. Il habite alors 74 Carleton Road (Tufnell Park, London N 7), travaille à Bush House et donne des conférences à l'Alliance Française (6 décembre 1944) et à l'Institut français du Royaume-Uni ; il y donne aussi lecture de Mythologie de l'Homme, le 1er mars 1945 (Mythologie de l'Homme paraîtra en France quelques mois plus tard aux éditions de la Jeune Parque). Toujours à l'Alliance française, il fait la connaissance de Marie-Thérèse Woog dont il s'éprend et dont il aura un fils et une fille. Marie-Thérèse, "Maïthé", est juive. Elle est pianiste. Elle aussi a fait partie des organisations clandestines britanniques du SOE-F (réseau JOCKEY implanté dans la Drôme où elle est "courrier" de Pierre Raynaud, "Alain").

1945

Retour en France le 30 mai (le tampon de son passeport indique cette date, à Dieppe). Parution de Mythologie de l'homme et de La Cathédrale des douleurs. aux éditions de la Jeune Parque. Guerne vit alors dans le Sud-Est de la France à Cliousclat, près de Mirmande, dans la Drôme. La ferme où il vit est située à quelque 600 mètres de Cliousclat. Il baptise cette maison "l'Arnaudière" et y demeure sous le nom de "Mr. Arnaud" afin de ne pas être importuné. C'est à cette époque qu'il rencontre Georges Bernanos (lettre de Bernanos à Guerne, du 27 décembre 1945, où l'on peut lire : «...Car c'est bien émouvant pour moi de pouvoir me dire aujourd'hui, après avoir lu votre livre, que vous êtes bien l'homme que j'avais cru reconnaître dès le premier moment, et presque dès le premier regard, lorsque vous êtes entré brusquement dans notre maison, dans notre amitié, avec votre chère femme, un jour d'automne. »). Un lien profond se tisse alors qui ne sera interrompu que par la mort du grand romancier en 1948.