Aperçus sur les thèmes majeurs de la vie et de l'œuvre de Louis Massignon

Toute une vie « au terrain de contact spirituel entre le christianisme et l’islam »

 

SOMMAIRE

Points singuliers sur sa courbe de vie

Dimension abrahamique de l'islam

Ses percées métaphysiques

Le dialogue instauré par L.M. entre christianisme et islam

 

 

Dialogue, rencontre, réconciliation : trois dimensions à prendre en considération selon que l’on veut seulement comprendre, ou bien partager « le pain et le sel » selon l’expression de Serge de Beaurecueil, ou entrer dans une dimension spirituelle de réconciliation, fî sabîl Allâh.

Toutes les relations avec l’islam, de la part de chrétiens, s’orientent selon l’une de ses trois directions. Ainsi fut sa voie de « musulman catholique », selon le mot de SS Pie XII.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 [ Louis Massignon ]

 

De sa conversion en 1908 à sa mort en 1962

Un premier printemps égyptien (1907)

[Vivre avec les Arabes mais avec une « rage laïque de comprendre »]

Les circonstances de sa conversion (1908)

[ L’expédition archéologique, l’accusation d’espionnage, la Visitation de l’Étranger, le retour en France, le vœu de substitution fraternelle pour les musulmans et spécialement les Alusi ]

Hallâj

[ La personnalité controversée de Hallâj, « martyr mystique de l’Islam », mort en croix à Bagdad. Il est l’arbre qui cache la forêt, Hallâj étant finalement plutôt excentrique, cf. sa sentence : « Deux prosternations et c’est assez pour la Prière du désir ; mais l’ablution qui les valide doit être faite dans le sang ». ]

Lawrence d’Arabie

[L.M. et la politique française au moyen orient. 1917 : l’entrée à Jérusalem avec Lawrence]

Salmân Pâk (à partir de 1927)

[Qui est Salmân al-Farisi ? Un des compagnons du Prophète, un converti du christianisme, un Iranien, un fidèle de ‘Alî, à la mort de Muhammad, Salmân, « l’ami qui n’a pas trahi… ». L.M. s’est, quoi qu’on en dise, quelque peu identifié à Salmân dont « nulle part il est dit qu’il ait renié le Christ… » Salmân représente une « pierre d’attente » pour la réconciliation entre l’islam et le christianisme, avec les chi’ites principalement et, de toute manière, toujours au terrain de contact spirituel entre les deux religions ]

La Badaliya

[ Une sodalité de prières, dont les fondements restent la substitution fraternelle, le don de soi pour les musulmans. Sa création avec Mary Kahil, à Damiette, en 1934. Qui est Mary Kahil : 1913-1934 ? Pourquoi Damiette ? Saint François et l’Islam, etc. La substitution

« Aimer absolument un être, ce n’est pas seulement désirer ce que Dieu veut qu’il devienne ou entrevoir qu’il deviendra, sans ce soucier du comment et du pourquoi. L’aimer ainsi pour lui, c’est réaliser non pas demain, mais maintenant, et pour toujours par un abandon à sa place, livrer à Dieu sans réservé ce qui lui manque actuellement pour le devenir ». Ceci s’applique, dans l’esprit de L.M., à ses frères perdus, aux musulmans, etc.]

Son ordination (1950)

[ En 1949, passage au rite melkite, ordination l’année suivante par Mgr Medawar, au Caire. Des conséquences qui s’en suivent, à Paris et à Rome, tant dans l’Église que parmi les amis de L.M. – « gourmandise spirituelle » ! Pourquoi ? La liturgie de langue arabe et l’achèvement de son vœu de substitution de 1908.]

Son combat « gandhien » pour la Justice

[ L’unique préoccupation de L.M. fut la justice, ni la démocratie, ni la liberté, ni les droits de l’homme, mais la Justice. C’est pourquoi il a utilisé l’arme de la non-violence, dans l’esprit de Gandhi, contre la torture, les exactions diverses de la France coloniale au Maroc et en Algérie, les camps, le problème des D.P., etc. avec, à ses côtés, Lanza del Vasto, François Mauriac ou Théodore Monod ]

Sa pratique du décentrement mental

Vivre « en arabe » parmi les musulmans : de sa première tentative égyptienne à la pratique de toute une vie : « on se rapproche d’une chose non en nous, mais en elle ». En d’autres termes, pour comprendre l’Autre, il faut se décentrer mentalement, et le comprendre comme lui-même se comprend.

Ce décentrement mental demeure l’unique manière de comprendre et d’aimer.

Dimension abrahamique de l’Islam

Les Ahl al-Kitâb

[ Les Gens du Livre. En fait, c’est à L.M. que les chrétiens doivent d’utiliser l’expression comme allant de soi ! Autre formule fameuse à propos des Gens du Livre : Israël et l’espérance, la Chrétienté et la charité, l’islam et la Foi.]

Le Culte pur (Ikhlâs) comme accès de l’islam à Dieu selon L.M.

[ Cf. Sourate CXII : « Dis : « Lui, Dieu est Un ! Dieu ! … L’Impénétrable ! Il n’engendre pas ; il n’est pas engendré ; nul n’est égal à lui ! » ]

Les deux seuls Purs (Jésus & Marie)

[ « Du fils de Marie et de sa Mère, nous avons fait un Signe » (XXIII, 50)

Le Dieu d’Abraham et de Marie en son Magnificat est le Dieu des musulmans ]

Le saint Coran

« Le Qu’rân formule comme une clôture finale, par régression jusqu’avant Moïse, de la révélation ; ce n’est plus l’idée chrétienne du texte biblique « corps du Christ », (…) ce n’est pas l’idée juive du pacte d’alliance spécial (…). Non, c’est le simple rappel, par un avertisseur, du Covenant primitif de l’humanité et de son effrayant jugement final (…) » (1935)

De la Loi mosaïque à Jésus de Nazareth, puis à la Pentecôte, donc à l’Esprit Saint, - Paraclet que les musulmans assimilent à Mohammed lui-même, - et puis six siècles après la Pentecôte, alors que tout est dit dans l’histoire du Salut, le saint Coran, dont le propos récapitule cette même histoire depuis Adam jusqu’au Sceau des Prophètes en même temps que la Loi qu’il énonce est pré-mosaïque et son propos fortement eschatologique puisqu’il annonce le retour de Jésus et le Jour du Jugement… Cette « globalisation » de l’histoire du Salut ramène aux origines, c’est-à-dire à Abraham, le père de tous les croyants, et dans le même temps projette l’humanité vers sa fin, le rassemblement, le Jour de la Résurrection : « Il est Celui devant qui vous serez rassemblés » (VI, 72). De la religion de la soumission à Dieu (Islam) à la religion de la Paix en Dieu (Salam).

Le mot de la fin au Cardinal Journet et au… Coran

« Dieu sait ce qu’Il fait », disait le futur cardinal Journet, concluant au mystère de l’existence même de l’Islam. Quant au saint Coran, il affirme : « Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait » (V, 48)

Ses percées métaphysiques

 Les trois Prières d’Abraham

[ C’est aussi sous le nom de frère Ibrahim que L.M. entra dans le tiers-ordre franciscain ]

Isaac et les juifs

[ « les Juifs n’ont plus qu’une espérance, mais elle est abrahamique. » ]

Ismaël et les musulmans

[ « Les Musulmans n’ont plus qu’une foi, mais c’est celle d’Abraham dans la Justice de Dieu. » ]

Sodome

[ En quoi Sodome intéressait-il L.M. ? Une de ses préoccupations majeures, puisqu’à l’origine de sa conversion. Ses efforts personnels, ses amitiés, la messe mensuelle avec le Cardinal Daniélou, etc.]

Fâtima

[ La fille du Prophète de l’Islam, l’hyperdulie dont elle est l’objet parmi les musulmans chi’ites, en quoi elle représente l’Eternellement féminin pour les chi’ites, à la manière dont la Vierge Marie est le modèle de toute spiritualité féminine pour les chrétiens.

Voir Fâtima

« En Islam, l’action de la femme, pour voilée qu’elle soit, comme son visage, traduit l’intervention « étrangère » de l’Esprit divin dans la société humaine »

Ainsi la rencontre entre l’islam et le christianisme pourrait être le fait de femmes « partageant, à égalité, les devoirs religieux de l’homme, avec une compréhension spirituelle qui [leur] est propre. » ]

Maryam

[L.M. et le mystère de la réconciliation mariale avec l’Islam, Notre Dame de Fatima, Notre-Dame du Voile, Celle qui parcourt la terre pour recueillir les larmes de ceux qui pleurent…

Ce que représente Marie pour les musulmans, l’une des quatre femmes du paradis, et la seule « Pure ». Une sourate porte son nom (XIX) : « Mentionne Marie, dans le Livre. (…) Nous lui avons envoyé notre Esprit : il se présenta devant elle sous la forme d’un homme parfait. Elle dit : « je cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux ; si toutefois tu crains Dieu ». Il dit : « Je suis l’envoyé de ton Seigneur pour te donner un garçon pur » (16-19).

Notre Dame de Fatima : « la coïncidence homonymique entre le lieu de ces apparitions mariales, et la fille préférée du prophète de l’islam, a fait travailler les esprits, l’Eglise ayant autorisé à baptiser des filles « Fatima » et des garçons « Fatime ».

Le soleil « roulé » le 13 octobre 1917 à Fatima et le premier verset de la sourate LXXXI

La république islamique d’Iran et Fatima (1995)]

Aperçu sur les Sept Dormants d’Éphèse

(les Ahl al-Kahf du saint Coran)

[Histoire chrétienne et récit coranique, localisation des différents sanctuaires, dimension eschatologique de la légende]

Voir Ahl al-Kahf

La rencontre islamo-chrétienne de Vieux-Marché

[De 1954 à nos jours, la rencontre entre chrétiens et musulmans, initiée par L.M., le dimanche qui suit la fête de Marie-Madeleine, en Bretagne. La légende celtique, la récitation de la Fâtiha et le pardon chrétien. Mais tout ceci reste bien confidentiel, malheureusement]

Meryem Ana Evi

[Historique : d’une vision d’Anne-Catherine Emmerick au pèlerinage islamo-chrétien de La Maison de la Vierge. Le soutien sans faille de Mgr Descuffi lui-même – à qui l’on doit les principales interventions sur l’islam pendant Vatican II. Meryem Ana Evy aujourd’hui, ce sont plus de 300 000 pèlerins dont 2/3 de musulmans, une « Maison de la Vierge » où les musulmans peuvent prier et les chrétiens célébrer la Messe, où chrétiens d’Europe, Arméniens, catholiques turcs et musulmans viennent se confier à la Vierge Marie. Durcissement de part et d’autre malheureusement. Mgr Bernardini lui-même moins enthousiaste que son prédécesseur qui avait fait sienne la prophétie de L. M. :« Éphèse doit devenir, avant le rassemblement final à Jérusalem, pour tous les groupes chrétiens et musulmans, le lieu de la réconciliation en « Hazrat Meryem Ana » (Notre Mère, en turc), en attendant qu’Israël la reconnaissant enfin comme la gloire de Sion, rejoigne cette unanimité tant désirée » (1961) ]

La question de la Palestine

La rencontre entre le christianisme et l’islam ne pourra s’établir vraiment que lorsque la question de Palestine sera réglée équitablement et l’internationalisation des Lieux saints devenue une réalité

Pour un anniversaire !

Ce qui se disait en 1948 de l’État d’Israël

« Il faut autoriser les Arabes qui ont fui hors de l’État d’Israël à rentrer dans leurs demeures sans aucun délai. Jamais on ne devrait traiter des réfugiés comme des otages politiques. Il est déplorable, que dis-je, incroyable qu’après ce que les Juifs d’Europe ont subi, un problème de personnes déplacées arabes soit créé en Terre Sainte. » (Dr Judah Magnes, groupe Ihud, 21 août 1948)

et de Jérusalem

« Le salut du monde dépend de plus en plus d’Israël, du caractère qu’il imprime à son retour au pays ; il n’y pourra rester que s’il accepte, avec un contrôle international suprême, d’y vivre à égalité, avec les musulmans et avec les chrétiens qui sont tous nés natifs de Nazareth » (Louis Massignon, 1948)

Le dialogue instauré par Louis Massignon entre le christianisme et l’islam

Un dialogue précurseur

Vieux Marché

A Vieux-Marché, dans les Côtes d'Armor

[ un dialogue non sans risque (les attaques venant à la fois de l’islam et du christianisme, cf. son mot à Denise Masson) ]

Pour de multiples raisons dont le fait que L.M. croyait contre les théologiens – y compris les Dominicains du Caire – que Allâh, le Dieu des musulmans, était le même que « le Dieu d’Abraham et de Marie en son Magnificat », [on peut citer l’anecdote du maître iranien], mais aussi parce que L.M. n’était pas un « convertisseur » - le cas de Jean-Mohammed Abdel Jalil est très particulier - : « Le plus profond apostolat n’est pas de s’ingénier à « convertir », du dehors, attitude qui travestit et rend odieux le zèle chrétien pour les âmes. » Ou encore « Salut ne veut pas dire nécessairement conversion extérieure. C’est déjà beaucoup qu’un plus grand nombre appartienne à l’âme de l’Eglise, vive et meure en état de grâce. »

L’ambiguïté demeure cependant, à cause de ses relations avec les chrétiens d’Orient. S’il leur demandait d’être des témoins – jusqu’au martyre – du Christ, c’est aussi qu’il estimait que les musulmans comprendraient de la sorte le message évangélique qui consiste fondamentalement à donner sa vie pour ceux qu’on aime – ce que lui-même n’a cessé de faire. Les chrétiens d’Orient doivent donc se donner, comme le Christ, pour le salut de leurs frères musulmans, se substituer à eux. C’est tout le sens de la Badaliya (cf. infra). ]

La rencontre islamo-chrétienne aujourd’hui

La rencontre islamo-chrétienne, 30 ans après la mort de Massignon, apparaît « piégée » par la politique sioniste à l’échelle de la planète

Existe-t-elle encore ?

Il ne peut plus y avoir de rencontre entre l’islam et le christianisme que sous le mode d’un « duel loyal » : il faut, par conséquent, entre chrétiens et musulmans, engager le fer avec les mêmes armes et dans un réel respect mutuel. Il ne sert à rien de chercher à se comprendre, dans un monde désormais en armes. Comme l’écrit Tarek Ramadan : « A étouffer les intelligences, on fait sortir les armes ». Et bien sûr il ne s’agit pas ici des armes de la foi. Mais déjà, sans la volonté de se convaincre l’un l’autre, le dialogue conduit à un échec. Ni un chrétien ni le musulman ne peuvent, en effet, accepter le premier la Révélation coranique, le second la Résurrection de Jésus. Seules quelques rares individualités sont capables d’aller jusqu’au bout de la rencontre – des « musulmans catholiques », des « catholiques musulmans ». Pour les autres, il ne peut y avoir qu’un combat loyal. Ou bien il faudrait imaginer qu’un puissant intérêt spirituel réunisse chrétiens et musulmans dans une lutte commune : pour la Paix ( voir la Rencontre d’Assise), pour « Dieu premier servi » (au lieu du capitalisme, de la technologie, de la démocratie, etc.)

Les partis en présence

Des chrétiens qui ne le sont plus que de nom mais qui, dans l’esprit des musulmans, – pour qui on ne peut être sans Dieu –, sont assimilés aux chrétiens.

De véritables chrétiens tentés par le dialogue et l’ouverture à l’Autre, mais bien trop souvent d’une naïveté inquiétante (Christian Delorme) ou alors « piégés » par la presse, impuissants à mener un véritable dialogue.

D’autres, non moins authentiques chrétiens, mais traumatisés par l’islam conquérant. De fait l’Église n’étant plus conquérante, le dialogue n’opère plus à armes égales.

Des musulmans indifférents au christianisme, mais attachés à leurs frères chrétiens qui les respectent.

D’autres très convaincus du djihâd, mais c’est parce qu’ils croient tous les Européens (et les Anglo-saxons) chrétiens.

Quelques intellectuels, ouverts eux aussi au dialogue, mais de manière purement tactique, une spécificité d’ailleurs de l’Islam en France, conséquence de la laïcité…

Une poignée, enfin, qui ne se leurre pas et ne cherche pas le dialogue pour le dialogue. C’est avec ceux-ci que le « duel loyal » peut avoir lieu et à armes égales, parce qu’ils ont la fierté de quatorze siècles d’une civilisation méprisée et une foi indéfectible en Dieu seul : Huwa Allâh.

Les « lieux »

Est-ce dans les Instituts de Théologie ? dans la vie associative, au quotidien ? dans la spiritualité, à la manière des soufis ? que le christianisme et l’islam sont appelés à se rencontrer, ou bien dans une alliance à l’échelle mondiale contre les ennemis de la foi, les incrédules, comme dit le saint Coran ? Ou bien à Jérusalem ?

Ou nulle part, désormais ?