Qui était Louis Massignon ?
Le dernier des
orientalistes
Le dernier
des orientalistes,
sans nul doute, mais aussi un savant que ses cours au Collège de
France et ses missions diplomatiques n’ont pas empêché de se battre sur
tous les fronts : pour la Justice ; un écrivain majeur de notre temps
qui craignait par-dessus tout qu’on le soupçonne de faire de la
littérature ainsi qu’un mystique habité du " feu de l’Amour divin ", un
homme d’une infinie compassion à l’égard des plus pauvres.
L’Islam
Sa rencontre avec l’Islam
remonte à 1905, en Égypte, mais c’est deux ans plus tard lorsque,
prisonnier à bord d’un vapeur turc, en Irak, il est visité par l'Étranger,
qu’il trouve sa vocation, au " terrain de contact spirituel entre le
christianisme et l’islam ". Désormais, il n’aura de cesse de chercher
des points de convergence entre les deux religions, à travers certaines
figures exemplaires : Mansûr Hallâj, fameux soufi, condamné à mort et
crucifié à Bagdad, en 922, Abraham, bien sûr, le Père de tous les
croyants monothéistes, Salmân al-Farisi, un chrétien converti et
compagnon persan du prophète de l’Islam, Fâtima, dont l’hyperdulie,
surtout chez les shî’ites, est si proche du culte marial, les Sept
Dormants d’Éphèse, enfin, saints et martyrs chrétiens dont l’histoire
est rapportée dans le saint Coran (sourate al-Kahf). Son œuvre
scientifique, enfin, compte des milliers de pages et elle a durablement
fondée, jusqu'à nos jours, l’islamologie.
Les grandes amitiés
Les
amitiés de Louis Massignon sont innombrables, à commencer par celle de
Charles de Foucauld qui fit de lui son exécuteur testamentaire en 1917,
après l’avoir vainement attendu au désert pour lui succéder. On citera, pour
marquer sa place dans cinquante ans de vie intellectuelle à Paris et au
Moyen Orient, des écrivains comme Paul Claudel, François Mauriac, le grand
Taha Hussein, son élève au Collège de France, Jacques Mercanton, des poètes,
Jean Cocteau, le Pakistanais Mohammed Iqbâl, des philosophes, Rachid
Reda, Jacques Maritain, Gabriel Marcel, l’Iranien Alî Shariati qui fut son
disciple, des théologiens, Martin Buber, le Cardinal Daniélou, des savants
tels Henry Corbin,
Théodore Monod, Vincent Monteil, Maxime Rodinson et Serge de Beaurecueil,
des hommes politiques, enfin, dont Giorgio La Pira et Edmond Michelet. Il
fut aussi un disciple de Gandhi.
Le politique
Louis
Massignon a joué un rôle, certes le plus souvent occulte, dans la politique
arabe de la France. Il fut ainsi un temps l’alter ego et le rival de
Lawrence d’Arabie, en 1917, puis un expert fort sollicité de nombreuses
commissions interministérielles, un ambassadeur culturel de la France dans
l’ensemble du monde arabo-musulman, enfin, après 1945. A sa retraite du
Collège de France, il fut de tous les combats pour la décolonisation,
soutenant la cause des " opprimés " au sein du Comité France-Maghreb
et du Comité Chrétien d’entente France-Islam, en Égypte, à Madagascar, au
Maroc (il fera libérer Sidi Mohammed V). L’Algérie seulement lui laissera le
sentiment d’une " occasion manquée ". Quant à ses méthodes - le jeûne
hebdomadaire, le pèlerinage, l’action non-violente, - elles ont étonné
autant ses adversaires que beaucoup de ses alliés.
Sa spiritualité
Si
Louis Massignon fut toute sa vie attiré par des figures marginales de la foi
chrétienne (stigmatisées, visionnaires), sous l'influence de J.K. Huysmans, sa spiritualité est parfaitement orthodoxe. Avant d’être
ordonné prêtre, en 1954, dans l’Église Melkite, il fut tertiaire
franciscain, et s’il a médité toute sa vie les exemples d’Anne-Catherine
Emmerich, sa " chère pécheresse ", ou de Mélanie, la bergère de La
Salette, il faut citer parmi les figures qui ont le plus compté pour lui
sainte Marie-Madeleine, sainte Jeanne d’Arc, Marie-Antoinette et les martyrs
de Namugongo. Il est clair que Louis Massignon se sentait en plus grande
proximité du désespoir inspiré d’un Léon Bloy que de l’optimisme d’un
Teilhard de Chardin et qu’il incarnait une sorte de foi vivante, héritée de
Pascal : " Jésus sera en agonie
jusqu'à la fin des temps, il ne faut pas dormir pendant ce temps-là. "
Actualité
de Louis Massignon
Son message tient en quelques formulations : " Il faut nous rapprocher dune chose non en
nous, mais en elle ", par
exemple, qui décrit sa pratique du décentrement mental et qui signifie quon ne
comprend son prochain que de lintérieur. Cette méthode reste
dactualité. Mais lincompréhension en France du monde musulman, les
événements en Algérie, en Palestine et principalement à Jérusalem et jusquen
Afghanistan, viennent malheureusement chaque jour confirmer ses vues
" prophétiques " les plus sombres, au lieu de cette non-violence, de
cette compassion envers les plus faibles, de ce désir de Justice, de cette
réconciliation des chrétiens et des musulmans ainsi que de ce " repas dhospitalité partagé entre compagnons
de travail, dans lhonneur "
pour lesquels il avait donné sa vie. |